Comment parler des livres que l'on n'a pas lus, Pierre Bayard, articulation d'une oeuvre, production de sens, André Malraux, bibliothèque collective, Yves Citton, production littéraire, Honoré de Balzac, romantisme, rejet du classicisme
André Malraux imagine l'expression "monde-d'un-art" pour désigner un espace hors du réel et hors du temps. Les productions artistiques appartiennent à ce monde : l'art appartient au musée, la littérature à la bibliothèque. C'est une manière de réunir et d'intégrer l'ensemble des productions littéraires, sans distinction de sens ni de lieu. Il s'agit surtout d'un espace libre et collectif, puisqu'il appartient à une société et à une culture. Dans "Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?", Pierre Bayard écrit : "Valéry incite à penser en termes de bibliothèque collective et non de livre seul".
[...] L'écrivain se place donc aussi dans un contexte de lecture, qui se révèle sous différentes formes dans son travail. Ainsi, les Fables de La Fontaine s'inspirent de celles d'Ésope et de Phèdre. Par ailleurs la connaissance et la fréquentation d'une bibliothèque collective font ressortir aussi la singularité de l'oeuvre d'exception qui n'a pas besoin de se référer à l'ensemble des autres productions pour acquérir une pleine existence, mettant ainsi en avant une dialectique entre l'oeuvre singulière et la bibliothèque collective. [...]
[...] Cela lui donne accès à davantage d'esprit critique et de capacité d'analyse dans ses lectures à venir. Une même œuvre relue pourra ainsi prendre davantage encore de sens ; Yves Citton parle ainsi de lecture actualisante (et la fécondité des classiques est déterminée par la puissance de leur actualisation des années après leur écriture). On peut pour approfondir évoquer la théorie du plagiat par anticipation imaginée par Pierre Bayard. Si la notion est faite pour provoquer, elle résume toutefois le jeu entre les œuvres littéraires, par la naissance d'un troisième texte ; exemple, relecture Maupassant après un texte de Proust. [...]
[...] - Pierre Bayard (2007) - Comment l'articulation d'une oeuvre avec toutes les autres est-elle productrice de sens ? S'appuyant sur une remarque de Paul Valéry, Pierre Bayard dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? (Éditions de minuit p. 42) déclare : Valéry incite à penser en termes de bibliothèque collective et non de livre seul. Pour un vrai lecteur, soucieux de réfléchir à la littérature, ce n'est pas tel livre qui compte, mais l'ensemble de tous les autres, et prêter une attention exclusive à un seul risque de faire perdre de vue cet ensemble et ce qui, en tout livre, participe à une organisation plus vaste qui permet de le comprendre en profondeur. André Malraux imagine l'expression monde-d'un-art pour désigner un espace hors du réel et hors du temps. [...]
[...] Par ailleurs la notion de nouveauté n'existe que par comparaison avec les productions antérieures. Étudier la littérature, c'est donc prendre en compte les relations non seulement entre auteurs et lecteurs, mais aussi les résonances entre les œuvres. Rattacher phénomène d'écoles et mouvement. Le romantisme est un rejet du classicisme ; rejetant les modèles grecs et romains, on privilégiait l'expression de l'irrationnel et le mysticisme, le sentiment de l'infini et de l'immensité, le rapport entre la nature et le sentiment intérieur. Il y a un rejet et un élan collectif. [...]
[...] On peut faire le choix de l'ignorer, pour offrir à toutes les lectures les mêmes chances. On peut aussi accéder à une interprétation strictement individuelle de l'œuvre, marquée par l'émotion ressentie personnelle. D'ailleurs, la lecture d'œuvres étrangères (voire même de littérature francophone) est souvent difficile à articuler avec d'autres œuvres, parce que la connaissance de l'histoire littéraire du pays est incomplète. L'écrivain japonais Yukio Mishima [HYPERLINK: https://fr.wikipedia.org/wiki/Yukio_Mishima] dit que Osamu Dazai et lui font partie de la même école romantique . [...]
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