Le Comité - Sonallah Ibrahim (1992) - L'intégration de l'Égypte dans la mondialisation

Thèmes abordés

Le Comité, Sonallah Ibrahim, roman, société égyptienne, géopolitique, capitalisme, pouvoir, sexualité, Religion

Résumé du document

Le roman dont il est question dans cette analyse, " Le Comité ", est un traitement kafkaïen de la montée de la culture de consommation et du capitalisme comprador dans l'État policier égyptien d'El-Sadat. C'est dans " Le Comité " que le narrateur-protagoniste passe, dans une trajectoire graduelle de prise de conscience, de la masculinité universelle comme sphère de conflit politique à la hiérarchie sexuelle comme creuset primaire de la crise politique. Ce faisant, le roman modifie la norme de représentation non seulement pour Ibrahim, mais aussi pour tous les écrivains qui abordent les crises sous l'angle ostensiblement neutre de la masculinité universelle.

Extraits

[...] D'un autre côté, le narrateur s'imagine, avec l'approbation tacite des membres masculins du Comité, en train d'exploiter activement le glissement entre la danse du ventre et la prostitution pour son propre plaisir. Ce scénario imaginaire suggère que, dans une certaine mesure, le narrateur prend à la légère les danseuses du ventre parce qu'il prend les femmes à la légère. En passant de la catégorie socio-politiquement marginale des danseuses du ventre au personnage hautement estimé et redouté connu simplement sous le nom de " Docteur le narrateur dramatise efficacement l'aspect sexué de la disparité socio-économique en Égypte. [...]

[...] Ainsi, le jeu de genre du narrateur compte au double sens de performance et de parodie, et les caricatures grotesques de genre qu'il interprète enregistrent la position précaire qu'il occupe par rapport au Comité. Désireux de contester le pouvoir arbitraire du Comité, mais redoutant les conséquences d'une opposition ouverte, le narrateur choisit d'exprimer son désaccord par le biais d'une moquerie faussement flatteuse. Bien que le texte ne révèle pas le cadre politique des pouvoirs et des responsabilités du Comité, il indique que la langue dans laquelle le Comité mène ses travaux est étrangère, faisant ainsi allusion à une puissance extérieure qui opère derrière lui. [...]

[...] Comme le suggère Ibrahim, la rhétorique de la virilité masculine fait partie d'un discours hypocrite où les défaites politiques réelles sont masquées par des victoires sexuelles imaginaires. C'est plutôt d'une manière parodique et auto-objectivante que le narrateur assimile à la fois le rôle de danseur du ventre qui lui est dicté et les soupçons du Blond concernant son homosexualité. Invité par le Blond à s'approcher de lui, à se déshabiller et à se pencher, le narrateur s'exécute immédiatement, et c'est alors que le Blond, à l'aide de son doigt, pénètre l'anus du narrateur avec facilité. [...]

[...] Il devient clair, cependant, que le narrateur est un intellectuel public dont l'activité a attiré l'attention du Comité, et qu'avec le Comité, le scénario standard associé à la dissidence politique dans un État policier est radicalement inversé. Au lieu de provoquer délibérément les autorités et de prendre les mesures nécessaires pour échapper à la capture, le dissident s'inquiète de manière obsessionnelle de déplaire au Comité et prend les mesures nécessaires pour gagner sa faveur, mesures qui incluent le fait de se livrer volontairement au Comité et de se soumettre à ses interrogatoires. [...]

[...] Ses pensées après l'échec évoquent la rencontre psychanalytique entre l'enfant culpabilisé et l'objet parental de son désir dangereusement ambivalent. Cette ambivalence chargée, qui évoque la position d'un enfant défiant l'autorité d'un parent, sera un schéma structurel constant dans le texte, en ce qui concerne l'orientation du narrateur vers le Comité. Il en résulte qu'il est souvent difficile de savoir quelle est la motivation la plus forte chez le narrateur, le désir d'obtenir l'approbation du Comité ou le désir de faire fi de ses règles et de ses attentes. [...]