Ce document est une dissertation sur le sujet suivant : "Parlant de l'humour présent dans le théâtre de Beckett comme d'un sursaut, Ludovic Janvier déclare dans les Cahiers Renaud-Barrault : « C'est la dernière noblesse d'un vivant au désespoir. Cette retenue dans la tragédie, cette aisance dans le noir, cette paisible mise à mort, c'est par là sans doute que l'essor impossible est devenu voyage dérisoire, fixité puis incarcération.(…) Si l'incarcération est l'antiphrase de l'envol, si la cruauté qui le lie est l'humour, le personnage gagne d'un seul coup la sérénité, il se contemple et sourit, il se rend libre».
Vous expliciterez ce point de vue du critique sur l'auteur de comédie, et vous demanderez si le propos peut éclairer plus généralement le choix que fait un dramaturge du genre comique. Vous ancrerez votre réflexion dans des exemples précis et variés, que vous suggère l'ensemble du théâtre français."
Extrait du document : "“Merdre ! ”, voilà comment commence la pièce d'Alfred Jarry, "Ubu Roi". Grâce au comique de mots immédiatement mis en avant, le lecteur sait qu'il va rire, puisque le rire est le but principal visé par la comédie. Celle-ci s'appuie sur différentes catégories du comique, qu'on classe selon qu'il est de mots, de gestes, de caractère ou de situation.
Beckett réutilise dans son théâtre ces différentes formes pour donner à ses pièces une consistance réellement comique. Cependant, si “faire rire” est le but recherché, on remarque tout de suite une certaine noirceur, mise en évidence par l'extrême solitude et le désarroi des personnages de "En attendant Godot".
C'est justement cette ambivalence mêlant rire et tristesse dans le théâtre que Ludovic Janvier explique dans les "Cahiers Renaud-Barrault". Il pose dans sa critique la question de l'utilité de l'humour : quel est son impact dans une action ?"
[...] Ce même procédé s'observe chez Genet, dans Les Bonnes. Claire et Solange, planifiant la mort de leur maîtresse, savent pertinemment qu'elles ne mettront jamais leur plan à exécution. Là aussi le dénouement est tragique puisque les deux bonnes se donnent la mort, mais le rire provoqué par leurs jeux –Claire se promenant la nuit vêtue d'un rideau-, par leurs disputes aussitôt suivies de leurs réconciliations, leur désarroi lorsque Madame s'échappe ! atténue cette fin brutale, et on retrouve la paisible mise à mort de Ludovic Janvier. [...]
[...] Et pour que la comédie ait un impact sur le spectateur, pour que le poison se répande, il faut introduire un comique parlé mais aussi joué. Lorsque Ludovic Janvier explique l'ambivalence du théâtre de Beckett, entre humour et cruauté, il sous-entend la participation du spectateur qui doit être tenu en haleine tout au long de la pièce, qui doit être étonné des rebondissements, sans se douter des péripéties qui vont s'enchaîner. En effet le spectateur cherche avant tout à se distraire et à rire, et doit entrer en résonnance avec la pièce. [...]
[...] Par exemple, poussé à bout par un désespoir dévastateur, Estragon souhaite se pendre à l'arbre. Beckett fait contrepoids à cette envie lugubre en réintroduisant le comique : ils n'ont pas de lacet, la ceinture est trop fragile, le suicide ne peut aboutir. De même, l'asservissement dérangeant de Lucky par Pozzo est atténué par le rôle de bête de foire de Lucky, qui fait sans broncher tout ce que Pozzo lui ordonne. Et c'est d'ailleurs ce silence, cette immobilité, cet état presque végétatif qui sont bien plus révélateurs de l'inhumanité donc Lucky est victime que des revendications exprimées à haute voix. [...]
[...] La comédie, "dernière noblesse d'un vivant au désespoir " ? (Ludovic Janvier, "Les Cahiers Renaud Barrault") Parlant de l'humour présent dans le théâtre de Beckett comme d'un sursaut, Ludovic Janvier déclare dans Cahiers Renaud- Barrault : C'est la dernière noblesse d'un vivant au désespoir. Cette retenue dans la tragédie, cette aisance dans le noir, cette paisible mise à mort, c'est par là sans doute que l'essor impossible est devenu voyage dérisoire, fixité puis incarcération.( ) Si l'incarcération est l'antiphrase de l'envol, si la cruauté qui le lie est l'humour, le personnage gagne d'un seul coup la sérénité, il se contemple et sourit, il se rend libre Sujet : Vous expliciterez ce point de vue du critique sur l'auteur de Comédie, et vous demanderez si le propos peut éclairer plus généralement le choix que fait un dramaturge du genre comique. [...]
[...] En effet, l'humour est un instrument utilisé depuis les débuts du théâtre pour rendre la critique plus forte. Molière en est l'exemple le plus probant, mettant en scène dans le Tartuffe un faux dévot prêt à tout pour mener une vie confortable, usant et abusant de la crédulité des personnes aveuglées par leur piété. Dans l'Avare, il fait le portrait cruel d'un homme asservi par l'argent, intéressé à l'extrême. Et si Molière utilise le théâtre comme mimesis des vices du genre humain, il ne pourrait le faire sans un recours systématique au comique : le coup de théâtre inattendu, jetant Tartuffe en prison alors que celui-ci semblait triompher, le ridicule d'un Harpagon, trahissant sa richesse et son avarice au fil de la pièce. [...]
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