Commentaire du début du chapitre 7 du Livre de ma mère d'Albert Cohen sous la forme d'un plan très détaillé en trois parties et sous-parties.
[...] Soudain, je la revois, si animée par la visite du médecin venant soigner son petit garçon. Combien elle était émue par ces visites du médecin, lequel était un pontifiant crétin parfumé que nous admirions éperdument. Ces visites payées, c'était un événement mondain, une forme de vie sociale pour ma mère. Un monsieur bien du dehors parlait à cette isolée, soudain vivifiée et plus distinguée. Et même, il laissait tomber du haut de son éminence des considérations politiques, non médicales, qui réhabilitaient ma mère, la faisaient une égale et ôtaient, pour quelques minutes, la lèpre de son isolement. [...]
[...] Une vision à la fois tendre et distanciée de l'enfant qu'il fut et de la mère qu'il eut Le regard a posteriori du narrateur sur le petit garçon qu'il fut et sur sa mère n'est pas dénué d'humour : table du salon sous laquelle je me croyais un chef arabe son Ordre du mérite domestique (l'« Ordre du mérite domestique reprend de manière plaisante l'ordre du mérite agricole), bricoles d'argent avec lesquelles je jouais (où le terme familier bricole exprime nettement le regard amusé au présent pour les objets de sa mère considérés jadis avec admiration), avec d'absurdes raisons qui me rassuraient Par ailleurs, à cet humour se mêlent les accents pathétiques dont certaines phrases sont empreintes : pauvre Maman si peu blasée, si sevrée des joies de ce monde ce mélange d'humour et de pitié témoigne du regard ambivalent que porte le narrateur à l'enfant qu'il fut et au dévouement de sa mère. Le narrateur fait preuve à la fois de tendresse et de regard critique pour son passé. Cette ambiguïté transparaît nettement dans l'expression Que c'était beau qui ouvre la phrase finale du deuxième paragraphe, comme une conclusion : cette exclamation semble à la fois devoir être prise au pied de la lettre et de manière antiphrastique. III. [...]
[...] 1 Le livre de ma mère, chapitre VII de Maman de mon enfance à n'avait rien de sérieux TEXTE : Maman de mon enfance, auprès de qui je me sentais au chaud, ses tisanes, jamais plus. Jamais plus, son odorante armoire aux piles de linge à la verveine et aux familiales dentelles rassurantes, sa belle armoire de cerisier que j'ouvrais les jeudis et qui était mon royaume enfantin, une vallée de calme merveille, sombre et fruitée de confitures, aussi réconfortante que l'ombre de la table du salon sous laquelle je me croyais un chef arabe. [...]
[...] La métaphore de la lèpre éclaire cette exclusion de la mère et sa quête de reconnaissance : ôtaient, pour quelques minutes, la lèpre de son isolement. (Cf. le champ lexical de l'isolement cette isolée lèpre de l'isolement et l'opposition entre la mère et l'extérieur : un monsieur bien du dehors Le médecin est 6 montré ici comme une personne qui vient autant guérir la souffrance morale de la mère que la douleur physique du fils : il lui donne un semblant de vie sociale, à elle qui n'était qu'une paysanne C. [...]
[...] Une même dualité se retrouve au niveau de la vision qu'Albert Cohen donne de son passé : un mélange de tendresse et de recul humoristique imprègne cette page, comme beaucoup de celles du Livre de ma mère. Cette écriture du passé permet en tout cas au narrateur, au-delà de la simple remémoration de faits révolus, de modifier la perception qu'il en eut dans son enfance et de se venger dans le présent de l'écriture, autrement dit de réécrire ce passé. [...]
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