Des Coches, Livre III, Chapitre 6 - Montaigne

Résumé du document

Dans cet essai, Montaigne reconstitue l'une des rencontres entre les conquérants et les indiens. C'est l'occasion d'imaginer les échanges entre les uns et les autres pour confronter les valeurs et les points de vue.

Le seizième siècle fut à la fois celui de la découverte du Nouveau Monde, et de la parution des Essais, dont les éditions vont se succéder de 1580 à 1592. C'est une époque où l'on découvre les auteurs de l'Antiquité et de nouvelles terres avec enthousiasme, où l'on cherche à mieux comprendre l'homme. L'Amérique offre de nouvelles possibilités de comparer et de juger les coutumes variées recueillies par les explorateurs, les moralistes, les historiens et géographes. Elle offre aussi l'occasion d'une réflexion politique, sociale et morale, qui n'est pas en faveur des Européens. Avec les Essais, Montaigne va précisément s'essayer, se mettre à l'épreuve, exercer son jugement sur les grandes découvertes, la légitimité des conquêtes, l'identité et la condition de l'autre par excellence, l'indigène, l'indien. Il utilise le monde environnant pour exprimer sa vision personnelle du monde et de l'homme.

Extraits

[...] De plus, il donne sa bénédiction à une entreprise de conquêtes violentes sur des populations innocentes. Tout cela fait un peu songer, par le ton ironique, à la fameuse lettre persane de Montesquieu sur le Pape, grand magicien, qui persuade ses sujets que trois ne font qu'un pour ridiculiser le dogme de la Sainte Trinité, et que le pain qu'on mange n'est pas du pain, pour souligner l'absurde du dogme de la Transsubstantiation. Bref, tout cela est bien loin de la véritable piété des indigènes pour une religion ancienne, signe de l'ancienneté de leur civilisation après s'en être servis si utilement pendant si longtemps (22). [...]

[...] Remarquons cependant que ces espagnols, si puissants en apparence, se trouvent néanmoins dans une situation bien précaire, car ils sont dépourvus de nourriture, et de plus, font passer l'or pour un médicament ! D'ailleurs, ils passent très vite sur cette demande qui pourrait révéler leur situation d'infériorité, et en arrivent à des sujets plus élevés. En vérité, ce sont des missionnaires préoccupés avant tout d'apporter le salut chrétien à des âmes perdues. Les indigènes américains vont répondre alors par un long discours. [...]

[...] C'est ce qu'il fait dans le chapitre Des Coches dont le titre même est étonnant, puisqu'il semble annoncer que l'on va traiter des coches c'est à dire des grandes voitures tirées par des chevaux. En réalité, l'auteur procède par association d'idées et relie des thèmes disparates par un simple mot Des Coches L'idée centrale de ce chapitre est la nausée, le malaise physique ressenti par Montaigne dans une coche qui roule, puis le malaise moral devant les décombres des civilisations nouvelles si rapidement détruites par les Espagnols et les Portugais. [...]

[...] ( ( ( En prélude à sa petite comédie satirique, Montaigne plante rapidement le décor (ligne mais d'une manière assez merveilleuse et poétique. Il évoque un cabotage le long d'une côte inconnue, à la recherche de mines d'or plus ou moins fabuleuses, qui rappellent l'ambiance des grandes découvertes, et l'aventure épique des conquistadors partant d'Espagne à la recherche de prodigieux trésors. L'auteur se contente de quelques touches de couleur locale et d'exotisme : il parle d'une contrée fertile et florissante, fort habitée ce qui suggère un Eldorado, une sorte de paradis terrestre où règne le bonheur et l'harmonie. [...]

[...] Le défilé des voitures et attelages de toutes sortes qui ouvre l'essai est une manière de relire l'histoire dans ce qu'elle a de plus instable et imprévisible. La chute brutale des empires aztèque et inca donne un bel exemple de la mobilité et de la vanité de toutes choses. L'unité de cet essai est en fait celle d'un sentiment, un vertige et un malaise semblable au mal de mer que l'auteur éprouve dans une coche, et qu'il éprouve à nouveau en contemplant le mouvement de l'histoire et la chute des empires les plus florissants du Nouveau Monde. [...]