En digne héritier des Grands Rhétoriqueurs auxquels appartenait son père Jean Marot, Clément Marot a d'abord choisi de pratiquer des formes médiévales complexes telles le rondeau, la ballade ou le chant royal, ce qui lui permettait de briller par l'ingéniosité de son invention verbale tout en faisant progressivement évoluer le genre, opérant alors une transition entre ces formes fixes médiévales et des formes plus « modernes » bien qu'héritées de l'Antiquité ou de l'italien, à savoir l'épigramme, l'élégie et l'épître, ou encore le sonnet.
Il en va ainsi du rondeau LV : conformément à son habitude - puisque c'est le cas dans 61 rondeaux sur 67 - , Marot a choisi le rondeau sur 15 vers, appelé parfois double rondeau, mais il y ajoute ici une touche personnelle en le faisant précéder d'un envoi.
[...] Le quatrain initial s'oppose toutefois à ce titre, puisqu'il s'adresse non pas à la dame précédemment évoquée, mais au poème lui-même, au rondeau Il prend ainsi une allure d'épigraphe, ou d'envoi. Il se détache d'ailleurs du rondeau à proprement parler, et cela à deux titres : d'une part la disposition de la strophe par rapport aux autres l'isole comme on le ferait d'une dédicace, et d'autre part le mètre choisi est ici l'octosyllabe, contrairement à la suite qui sera écrite en décasyllabes. [...]
[...] Le refrain fait ici son retour sans aucune surprise de la part du lecteur, mais toute l'ingéniosité du poète consiste à le ramener à propos sans qu'on en sente l'artifice : Marot y parvient ici en faisant du dernier vers et demi du tercet le parfait contrepoint du premier vers et demi du quintil, et la répétition du refrain sert ici à rendre plus évident ce renversement de situation, de même que la permanence du pronom moi en position centrale. Si le tercet montre donc un poète qui reprend goût à la vie, le dernier quintil apporte une explication à cet état de fait. [...]
[...] Mais le poème semble également inspiré du sonnet de Pétrarque dont la vogue commence à se répandre à l'époque en France : on remarque en effet à la fois une thématique pétrarquiste (les louanges à la dame, comme l'indique le titre) et une structure relativement proche, les deux premières strophes s'opposant aux deux strophes suivantes à l'aide de la conjonction Mais à l'image de la traditionnelle opposition du sonnet entre les quatrains et les tercets. Le renversement souligne ici une différence d'époque puisque le premier quintil évoque un passé malheureux tandis que le tercet annonce une renaissance que le second quintil va expliquer. [...]
[...] Mais au-delà de ce jeu paradoxal entre la tradition et l'intimité, entre l'expression de soi et le dialogisme avec la dame et le rondeau ou encore entre la virtuosité extrême de la forme et la relative simplicité de la langue, ce poème initie également une réflexion sur l'écriture poétique notamment à travers la présence de l'envoi : dès lors que le poète écrit, tout désordre se trouve maîtrisé, le verbe permettant de transfigurer l'aigreur de ce Monde en douceur et en Amour. [...]
[...] On peut également former une hypothèse sur l'identité de ladite dame à l'aide du terme choisi : il s'agirait d'une dame du monde, d'une dame de noble famille, conformément aux habitudes de l'amour courtois qui veut que l'être aimé soit généralement choisi dans une classe supérieure, et, s'il faut en passer par une hypothèse biographique, on sait que Clément Marot a vécu dans l'entourage du roi François 1er et de sa sœur Marguerite de Navarre, autrement dit dans le monde Ce quatrain est tout entier formé sur la figure de l'antithèse : il est enfermé dans un chiasme parfait avec les termes de aigreur (v. douceur (v. douceur (v. adoucira (v. [...]
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