Dissertation sur la citation de Claudel, "Réflexions poétiques, 1927" : "En un mot, la poésie ne peut exister sans l'émotion ou, si l'on veut, sans un mouvement de l'âme qui règle celui des paroles. Un poème n'est pas une froide horlogerie ajustée du dehors, ou alors il n'y a plus qu'à versifier sur les échecs ou le jeu de billard. Même l'intelligence ne fonctionne pleinement que sous l'impulsion du désir".
[...] Le travail pourrait alors se définir comme ce qui va pouvoir canaliser la force du désir en utilisant tout ce qu'elle a de riche en émotions, en sentiments, pour l'emmener vers la réalité. Il est alors intermédiaire entre le désir de l'homme et la réalité du monde à s'approprier. Ainsi, Claudel tente de trouver une forme qui puisse accueillir les émotions qu'il veut exprimer, ou les vérités du monde qu'il veut révéler. Rejetant le vers, il va employer une forme nouvelle inspirée de la Bible, qui lui permettra de faire respirer sa poésie : le verset. [...]
[...] Cependant, il faut se demander comment dans ces conditions, la lettre écrite par un quidam se démarquera de la véritable œuvre poétique. Le génie, l'inspiration, phénomènes tous deux extérieurs au poète, entrent alors en jeu. L'inspiration est une notion très valorisée par les poètes et les artistes en général. Edgar Poe, dans une étude qu'il fait sur le travail poétique (au cours d'un texte où il analyse le processus de la rédaction de The Raven ) le dit lui-même en ces termes : Les poètes aiment mieux laisser entendre qu'ils composent grâce à une espèce de frénésie subtile ou d'intuition extatique et ils auraient positivement le frisson s'il leur fallait autoriser le public à jeter un coup d'œil derrière la scène et à contempler les rouages et les chaînes [de leur œuvre] A la recherche laborieuse du poète s'oppose en effet le don qui lui donne un style ou un imaginaire particulièrement féconds. [...]
[...] Cependant, le sentiment, l'émotion, n'étant pas raisonnables et n'ayant aucune limite, la question se pose de la forme dans laquelle les exprimer. La poésie est un genre codifié, dominé par les schémas de rimes et les règles de versification. Comment dès lors allier ces deux éléments ? Claudel condamne la métrique de la poésie française classique. En effet, le thème traité doit s'adapter à un mètre, à un ordre qu'on lui impose, ce qui ne correspond pas à la volonté claudélienne d'exprimer les choses dans leur vérité. [...]
[...] Je n'attends avec ta main point de coupe ou ton sein même / Convulsivement dans tes ongles, Cuméenne dans le tourbillon des feuilles dorées ! / Mais cette grosse flûte toute entrouée de bouches à tes doigts indique assez / Que tu n'as plus besoin de la joindre au souffle qui t'emplit / Et qui vient de te mettre, ô vierge, debout ! Les muses Cinq Grandes Odes). Il s'exprime ainsi en employant essentiellement les premières et deuxièmes personnes du singulier, les apostrophes lyriques ô vierge ! [...]
[...] La poésie de Claudel tend à se rapprocher des fonctions vitales de l'homme : le corps est un instrument qui dicte son rythme au flot des vers. Il est ainsi intéressant de noter que dans ses Réflexions sur la poésie, Claudel compare le rythme de l'iambe (succession d'une syllabe brève et d'une syllabe longue) à celui du cœur, notre métronome intérieur Créer un poème est donc un acte de l'humain (dont les organes vitaux sont le cœur et les poumons) qui parle à l'humain. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture