Dans Extrême fidélité, Cixous dit que la perte d'un être cher est indispensable pour se construire. Dans cet extrait de Déluge, publié en 1992, l'expérience personnelle du deuil à la fin d'une relation amoureuse rejoint la perte de la mère, de l'autre, au coeur de la condition humaine dans la réécriture de l'épisode biblique du déluge. A travers une description graphique de la mort, ce passage décrit le "meurtre compulsif" des besoins et des désirs du soi, et met aussi en valeur le "poison" de l'illusion. Le travail que le deuil implique est accentué de manière dramatique à travers le personnage d'Ascension. Elle lutte pour découvrir et inventer des solutions aux problèmes auxquels elle est confrontée. Cette lutte sans fin est cependant présentée comme vitale, car elle est dans le travail que nous vivons.
Nous tenterons dans cette étude de montrer comment Cixous parvient à se détacher de son angoisse de la mort à travers ce texte en faisant écho chez le lecteur à la sensation d'être pris dans une inondation, d'être submergé par l'eau, par la peine et la douleur, et d'être emporté par un flot de sentiments désagréables (...)
[...] Rêver d'un tsunami est fréquent chez les patients qui ont des troubles avec leur mère, et l'image de l'eau qui engloutit peut représenter un sentiment malheureux ou une envie qui submerge l'affecte de l'individu. Je cite Geoges Romey[4] qui dit que la dynamique de l'imaginaire est en fait le principal partenaire de la rêveuse, et que la puissance de la vague ne fait que mettre en valeur le trouble présent dans la relation avec la mère. La ligne 83 est plutôt un retour brutal à la réalité. [...]
[...] Il faut garder à l'esprit qu'Hélène Cixous est une juive d'origine algérienne[5] qui était dans sa vingtaine lorsque la guerre a éclaté. Après ces nombreuses lignes de textes perdues dans l'illusion et le rêve, voire le cauchemar, nous nous retrouvons dans une atmosphère des plus réelle : "j'étais dans ma Renault je conduisais". Et à la ligne 88, il est possible de relever un vocabulaire des sentiments reliés à un événement traumatisant. On note alors : "encerclé", "tué", "violent exile", "rejetée", "plus aimée", attaquée", "j'avais peur", "tuer" encore et enfin "échappé". [...]
[...] On peut faire un rapprochement entre ce texte de Cixous et la maladie de la dépression. En effet, ce que décrit l'auteur n'est autre que le désir d'échapper à sa souffrance et ses peurs par le sommeil, or il n'est pas rare chez les sujets dépressifs de voir une constante envie de dormir, de ne plus sentir les choses qui appartiennent à la réalité, car c'est bien la réalité qui leur rappelle leur mal-être. L'illusion empêche la mémoire de resurgir. [...]
[...] Ensuite, des lignes 11 à 13, on continue avec le sens de la vue déformée. Rien n'est clair ou n'apparaît clairement. Le champ lexical de la mort se fait encore plus présent dans les lignes suivantes, de 14 à 16. On relève ainsi : "corps", "mort", "souffrance", "décomposition". C'est comme si elle avait la sensation de sentir son corps se décomposer ; l'angoisse de la mort est associée à ce malaise permanent du corps. A la ligne 17, la souffrance est mise en relation avec le souvenir. [...]
[...] Elle refuse de suivre ses conseils pour des questions de temps, or, comme déjà-vu auparavant, le temps est une considération typiquement humaine, de la part de ceux qui sont vivants. On ne sait pas trop si elle se trouve dans la réalité ou dans son rêve car les nombreuses phrases courtes des lignes 106 et suivantes ne dénotent absolument pas un monde imaginaire. Ensuite, à la ligne 113, il est question de "la forêt", de la "terre", comme d'un retour aux sources. [...]
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