Cinna, acte I, scène 1 - Corneille (1641)

Thèmes abordés

Cinna acte I scène 1, Corneille (1641), Auguste, conspiration, poème dramatique, monologue délibératif, tragédie politique, dilemme cornélien, lyrisme, hybris, catharsis, fonction dramaturgique

Résumé du document

"Cinna conspire contre Auguste et rend compte de sa conspiration à Émilie, voilà le commencement ; Maxime en fait avertir Auguste, voilà le milieu ; Auguste lui pardonne, voilà la fin". Tels sont les propres mots de Corneille dans son "Discours sur l'utilité du poème dramatique" (1660). Le monologue délibératif d'Émilie qui ouvre la pièce in medias res n'est pas mentionné par Corneille, et le moment où Cinna rend compte à Émilie de sa conspiration contre Auguste se situe dans la scène 3 de l'acte I. Notons d'ailleurs qu'au XVIIIe siècle, la scène était souvent coupée de la représentation (d'après ce qu'a pu écrire Voltaire). Quel est alors l'intérêt de ce monologue inaugural ?

Extraits

[...] Il s'agit donc en quelque sorte d'un chant gratuit et fascinant pour le spectateur. Cependant l'on constate également que Corneille parvient habilement à nous présenter les deux monstres de sa pièce : alors qu'Auguste est décrit explicitement comme un tyran cruel par Emilie, ses propres réflexions introspectives en font également un personnage dominé par l'hybris. La véritable fonction de ce monologue d'exposition serait donc la catharsis que Corneille n'hésite pas à placer dès le premier vers de sa pièce (« Impatients désirs d'une illustre vengeance »). [...]

[...] » Tels sont le propre mots de Corneille dans son Discours sur l'utilité du poème dramatique (1660). Le monologue délibératif d'Emilie qui ouvre la pièce in medias res n'est pas mentionné par Corneille, et le moment où Cinna rend compte à Emilie de sa conspiration contre Auguste se situe dans la scène 3 de l'acte I. Notons d'ailleurs qu'au XVIIIe siècle, la scène était souvent coupée de la représentation (d'après ce qu'a pu écrire Voltaire). Quel est alors l'intérêt de ce monologue inaugural ? [...]

[...] Ce n'est donc pas un monologue efficace : ne devient pas un élément déterminant de l'intrigue. III- La présentation d'un monstre qui permet d'en révéler un autre de façon sous-jacente : fonction cathartique du monologue théâtral (Mimesis et catharsis : « Monstre » = « montrer ») La présentation d'un tyran cruel, Auguste La révélation d'une héroïne vengeresse et cruelle, prête à sacrifier son amant : Emilie = le vrai « monstre » de l'intrigue ? - Emilie est dominée par l'hybris (démesure, sentiment violent inspiré par l'orgueil). [...]

[...] Ce début peut nous rappeler la protase, c'est-à-dire l'ouverture de la tragédie grecque, qui commence souvent par un monologue protatique pris en charge par un personnage ou un fantôme. Il peut être divisé en 4 mouvements distincts : 1/v.1 à 8 : Exorde : pause au milieu de la crise passionnelle. Clivage des passions et tentative d'emprise sur les passions. 2/v.9 à 16 : Expression de sa haine d'Auguste, rôle de l'image mentale obsédante. v.17 à 40 : Dilemme annoncé, proposition contradictoire. [...]

[...] Annonce du plan : Dans un premier temps, nous verrons qu'il s'agit aussi bien d'un dilemme rhétorique que d'une délibération purement esthétique ; puis nous constaterons que la fonction lyrique et la fonction dramaturgique de cette « pensée parlée » sont quasi inexistantes, ce qui nous montre encore un certain artifice de la représentation ; notre dernier axe de réflexion nous conduira à penser que ce monologue présentant un monstre (Auguste) permet également d'en révéler un autre (Emilie), si bien que le rôle de ce monologue serait de nous faire réfléchir à ces différents degrés de monstruosité des personnages théâtraux et de procéder en une purgation des passions (fonction cathartique). Un dilemme rhétorique ou une délibération « pour la forme » ? (Forma = beauté ( pour la beauté du geste) Un dilemme délibératif typique de l'héroïsme cornélien Construction d'une alternative sans résolution Elle se retrouve dans la situation type de la tragédie cornélienne, prise dans le dilemme éthique. [...]