Près de trois siècles après La Fontaine, Anouilh s'est amusé à composer un volume de fables. Il nommait cela « plaisir futile » dans son « avertissement hypocrite au lecteur ». Certaines fables sont originales, d'autres sont en fait des réécritures, et bien souvent même des relectures décapantes et pleines d'anachronismes cocasses du monument de notre patrimoine littéraire que sont les Fables de la Fontaine. La comparaison d'une des fables les plus connues de La Fontaine, « La Cigale et la Fourmi », avec la version qu'Anouilh en propose nous indique que ce dernier a suivi fidèlement son illustre modèle dans la structure et la progression de la fable (les ressemblances). Par contre, il s'en éloigne davantage dans sa peinture des deux personnages et en tire une morale différente.
[...] La progression est donc aussi la même. De plus, les deux premiers vers La cigale ayant chanté/ Tout l'été, sont identiques, Anouilh les a repris intégralement. On remarque notamment la présence d'un dialogue dans les deux poèmes. De plus, le vers 4 est une réécriture du vers Se trouva fort dépourvue on peut y voir un jeu de mots, Anouilh emploie l'expression fort bien pourvue Il inverse la tendance. De surcroît, le vers 9 est repris partiellement. Par ailleurs, parfois, la musique du poème s‘approche de celle de la Fontaine, il y a le même nombre de syllabes. [...]
[...] Les termes casinos boites le révèlent. A travers ces termes, Anouilh fait référence aux plaisirs, et vices de la vie du XXIe siècle. De plus, il emploie des expressions telles que regard d'acier qui elles aussi actualisent ses propos. En effet, ce genre d'expression n'était pas répandu à l'époque de La Fontaine. En outre, le vers J'ai un serpent pour avocat connote le monde des affaires actuel dans lequel il est fait peu de place aux scrupules. Cette idée est renforcée par l'emploi d'un vocabulaire qui appartient au champ lexical du monde bancaire argent (vers économie (v.24), calculs taux d'intérêt .35), tas d'or (v.42), prêtiez (v.50), non-paiement (v.53), échéances (v.54). [...]
[...] En effet, dans le poème le Corbeau et le Renard, Jean de la Fontaine emploie l'expression Maitre Renard comme Anouilh en l'espèce. Cette précision renforce le caractère de réécriture du poème d'Anouilh. De plus, nous pouvons percevoir une différence quant à la morale finale. Cette fois, nous nous attachons donc plus au fond qu'à la forme du poème. Chez les deux fabulistes, elle est implicite, La Fontaine dénonce la légèreté de la cigale ou bien l'égoïsme de la fourmi. Anouilh lui met en avant les vices de son siècle, et la cruauté du monde des affaires. Les registres sont aussi différents. [...]
[...] A la première lecture, la première ressemblance s'apparente à l'un des personnages, le titre du poème se résume à La Cigale, il met donc en scène une cigale, elle aussi humanisée, tout comme chez Jean de la Fontaine. Il y a donc des ressemblances sur le fond. Il y en a notamment sur la forme, ces deux poèmes sont écrits en vers libre. La structure est identique, même si le poème d'Anouilh est plus long, il présente le personnage, l'intrigue, un dialogue s'insère au milieu de la fable, et une morale la clôt. [...]
[...] Les expressions suivantes nous le révèlent en effet, l'œil noyé sous le fard v 11, v35), rimmel Drapée avec élégance La cigale apparaît coquette, maître renard, est masculinisé, il fait penser à un homme d'affaires. Il est vêtu d' «une cape de renard qui montre un certain niveau de vie. La Cigale est Tout enfantine et minaudière On rentre dans une réalité contemporaine. Anouilh joue sur les clichés culturels hérités de la Fontaine. Ils basculent certaines représentations types. Il joue avec l'intertextualité en ajoutant des clins d'œil facilement repérables comme avec l'expression Maître Renard tout droit sorti de la fable Du Corbeau et du Renard. [...]
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