A. Un exorde ex abrupto
Cet exorde est étonnant parce qu'il ne respecte pas les règles de composition traditionnelle de l'introduction d'un discours et parce qu'il met en oeuvre une situation d'énonciation complexe.
L'exorde comportait ordinairement deux moments :
? une captatio benevolentiae, c'est-à-dire une entreprise de séduction visant à se concilier la sympathie de l'auditoire.
? une partitio dans laquelle on annonçait les parties qu'on allait ensuite développer.
La règle voulait que dans l'exorde l'orateur reste mesuré et prudent, pour réserver à l'épilogue et à la péroraison le grand jeu pathétique, le recours à l'émotion.
L'exordium ex abrupto (entrée en matière de façon abrupte, commencement dans le vif du sujet) de ce discours constitue un exemple unique dans toute la littérature latine conservée.
Cette entrée en matière ne situe pas le discours dans l'espace et dans le temps, comme c'était l'habitude et ne procède pas à la traditionnelle captatio benevolentiae. Cette stratégie permet à Cicéron de mettre d'emblée les sénateurs devant l'urgence de la situation. Il s'agit aussi d'une sorte de coup de poker, si l'on peut utiliser cette image quelque peu anachronique, puisqu'au moment où il parle, Cicéron n'a aucune preuve matérielle des accusations qu'il porte. Il tente donc par cet effet de surprise de contraindre Catilina à se démasquer et à quitter Rome.
B. Une situation d'énonciation complexe
- Cicéron utilise la première personne du pluriel : "patientia nostra" (l.1), "Nos autem" (l.15), "Habemus". Il ne s'agit pas ici d'un "nous" de majesté. Cicéron ne parle jamais en son nom propre, à la première personne du singulier, mais s'inclut dans le groupe des sénateurs.
- Les destinataires de ce discours sont doubles :
. l'orateur s'adresse, dès la première phrase, à un destinataire isolé, Catilina : "Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ?" (l.1). On trouve deux autres apostrophes à Catilina dans le deuxième paragraphe (l. 17 et 22). Tout le premier paragraphe de cet exorde (...)
[...] Cette stratégie permet à Cicéron de mettre d'emblée les sénateurs devant l'urgence de la situation. Il s'agit aussi d'une sorte de coup de poker, si l'on peut utiliser cette image quelque peu anachronique, puisqu'au moment où il parle, Cicéron n'a aucune 3 preuve matérielle des accusations qu'il porte. Il tente donc par cet effet de surprise de contraindre Catilina à se démasquer et à quitter Rome. B. Une situation d'énonciation complexe Cicéron utilise la première personne du pluriel : patientia nostra Nos autem (l.15), Habemus Il ne s'agit pas ici d'un nous de majesté. [...]
[...] Généralement, l'orateur examine d'abord la moralité de son client (praemunitio) pour souligner l'invraisemblance de l'accusation, puis il donne les preuves (argumentatio) : elles sont matérielles (signa) et logiques (argumenta). Cette partie est en principe inutile au discours démonstratif. La réfutation (refutatio): facultative, elle suit parfois la confirmation et a pour but de détruire la thèse adverse. La péroraison : conclusion, qui récapitule l'argumentation et cherche à impressionner les juges par un émouvant appel à la pitié ou à l'indignation de l'auditoire (le pathos). Remarque : narration et confirmation sont souvent imbriquées l'une dans l'autre. [...]
[...] Thibault (1863) Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? Où s'arrêteront les emportements de cette audace effrénée ? Ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin , ni les postes répandus dans la ville , ni l'effroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la réunion du sénat, de ce lieu le plus sûr de tous, ni les regards ni le visage de ceux qui t'entourent , rien ne te déconcerte ? [...]
[...] Immo vero etiam suivie d'une gradation sur une cadence majeure in senatum venit, fit publici particeps, notat et designat oculis ad caedem unumquemque nostrum souligne la colère de Cicéron qui semble croître au fur et à mesure de la phrase et lui permet aussi de mettre lumière le paradoxe qui consiste à laisser en vie quelqu'un 4 qui menace les autres de mort, ce qui est rendu sensible par l'antithèse hic vivit / ad cadem unumquemque nostrum L'apostrophe ironique aux sénateurs des lignes 15-16 fortes viri est aussi une attaque contre leur inaction. Cicéron espère sans doute ainsi piquer au vif leur orgueil. La fin du deuxième paragraphe fait aussi ressortir la responsabilité du consul avec une sorte de mea culpa : nos, nos, dico aperte, consules desumus. (l.24-25) B. Le portrait d'un homme à abattre Cicéron dresse un portrait à charge de Catilina. Il est présenté comme un homme marqué par la démesure, comme l'indiquent les termes furor audacia jactabit furorem (l.16). [...]
[...] Nous disposons pour t'abattre, Catilina, d'un sénatus-consulte sévère et accablant ; ce n'est ni la sagesse, ni l'esprit de décision de cet ordre qui manquent à la république ; c'est nous, nous les consuls, je le dis hautement, qui lui manquons. COMMENTAIRE DE L'EXORDE DE LA PREMIÈRE CATILINAIRE Problématique : comment et pourquoi cet exorde se démarque-t-il des règles du genre ? I. UN EXORDE SURPRENANT AUX DESTINATAIRES MULTIPLES A. Un exorde ex abrupto Cet exorde est étonnant parce qu'il ne respecte pas les règles de composition traditionnelle de l'introduction d'un discours et parce qu'il met en œuvre une situation d'énonciation complexe. [...]
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