Si Chrétien de Troyes, dans Le Chevalier de la charrette, propose un prologue au lecteur, il semble bien, à lire l'excipit - vers 7098 à 7114 - qu'il ait abandonné celui-ci depuis longtemps. Cet effet de surprise, fort déroutant, peut être à l'origine d'une réflexion dur cette "conclusion" de dix-sept vers, une chute pour le moins ambiguë, et ce à plusieurs titres : non seulement le lecteur apprend que si Crestïen a initié le récit, ce n'est pas lui qui le termine mais Godefroiz de Leigni, mais encore et plus précisément à quel endroit le "clers" reprend la suite, et enfin, le lecteur est en droit de s'interroger sur la véritable instance narrative : Crestïen, Godefroiz ou un autre ? Peut-être un faux problème, l'essentiel étant que Chrestïen a probablement cessé sa rédaction au vers 6147.
Ainsi, le texte sera-t-il interrogé autour de cette idée-force : l'auteur absent, étrange, moderne et paradoxal point de vue en ce Moyen-âge banalisé à tort en ce qui concerne la technique narrative. De cette absence - réelle ou non - du narrateur premier, découlent quelques questionnements : pourquoi - sinon pour qui - est-il remplacé ? On ne pourra que convoquer l'œuvre entière pour y répondre : une relecture d'impose, notamment celle du prologue, mais toujours et uniquement en parallèle avec les propos de Godefroiz.
Crestïen ayant interrompu son œuvre, se profile alors une architecture qui permet d'interroger le texte selon les axes suivants : la stupeur du lecteur, ce que dit Godefroiz - et ce qu'il ne dit pas - et enfin la raison pour laquelle il prend la plume après que "Lanceloz fu anmurez", notation essentielle car elle permet de saisir le dessein de Crestïen à l'origine de l'ouvrage.
[...] Enfin, il peut conclure que la "matire" de l'ouvrage n'est point la quête de Lancelot mais celle de l'auteur lui-même qui, au travers d'un "conte", pose et résout en même temps la question du "romanz" et de l'amour. [...]
[...] Ici prend fin le roman de Lancelot De la charrette." Si Chrétien de Troyes, dans Le Chevalier de la charrette, propose un prologue au lecteur, il semble bien, à lire l'excipit - vers 7098 à 7114 - qu'il ait abandonné celui-ci depuis longtemps. Cet effet de surprise, fort déroutant, peut être à l'origine d'une réflexion sur cette "conclusion" de dix-sept vers, une chute pour le moins ambiguë, et ce à plusieurs titres : non seulement le lecteur apprend que si Crestïen a initié le récit, ce n'est pas lui qui le termine mais Godefroiz de Leigni, mais encore et plus précisément à quel endroit le "clers" reprend la suite, et enfin, le lecteur est en droit de s'interroger sur la véritable instance narrative : Crestïen, Godefroiz ou un autre ? [...]
[...] On le voit, le texte suggère bon nombre d'hypothèses qu'il s'agira de confirmer. Godefroiz nous dit qu'il parfinee la charrette". Mais laquelle ? L'œuvre en elle-même ou l'objet humiliant ? Nous, lecteurs, avons été "voiturés" au long de l'histoire, tout comme Lanceloz qui accepte de l'être pour l'amour de sa dame. Mais voilà longtemps que le chevalier n'est plus avec nous, resté enfermé dans sa tour selon le désir de Crestïen. Le trajet supplémentaire d'une centaine de pages relève-t-il du superflu, du "conte", et non plus du "romanz" ? [...]
[...] Tant en a fet des lors an ça Ou Lanceloz fu anmurez, Tant cpn li contes est durez. Tant en a fet, n'i vialt plus metre Ne moins, por le conte malmetre. Ci faut li romans de Lancelot De la charrete." " Seigneurs, si je parlais encore, J'aurais dépassé mon sujet. Je m'apprête donc à conclure. Ici s'achève le roman de part en part. Godefroi de Leigni, le clerc, A mené à bonne fin La Charrette, Mais qu'on ne vienne pas le blâmer S'il a repris l'œuvre sur Chrétien ! [...]
[...] Et Chrétien de Troyes jette alors sa plume dont va se saisir Godefroi de Leigni. Celui-ci, du reste, fera intervenir une autre figure féminine pour sauver Lancelot. Pur remplissage et hors sujet pour Chrétien : de dame, il n'en est qu'une car l'amour n'est pas sujet à multiplication. L'intérêt de l'excipit est multiple. La technique narrative propose une rupture qui relance le suspense et donne envie au lecteur de revenir en arrière jusqu'au vers 6147. Puis, il interroge les quelques dix-sept vers à la recherche d'indices sous-jacents aux propos tenus par le clerc. [...]
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