Le passage étudié ici s'étend du vers 4549 au vers 4589 du Chevalier de la Charrette. Après les exploits de Lancelot, courtois à la perfection, mais aussi des passages houleux dans l'intrigue amoureuse, tel que la froideur de Guenièvre, les fausses rumeurs de mort, les lamentations de l'un et de l'autre, les tentatives de suicide, les deux amants se retrouvent enfin et s'expliquent : un rendez-vous est fixé, Lancelot se rapproche donc de la récompense ultime dans son parcours de fin'amant. Les 40 vers de notre passage relatent le début du rendez vous des deux amants, accordé par la reine à la demande de Lancelot à l'issue de leurs retrouvailles entre explications, excuses et pardon. En effet, au vers 4506 et suivants, la reine réalise le souhait de Lancelot qui mande indirectement une entrevue plus intime « volantiers a vos parleroie plus a leisir, s'il pooit estre. » (v.v. 4504-4505) et lui donne rendez-vous pour le soir même, lui indiquant la marche à suivre (passer par le verger, pour arriver à la fenêtre qu'elle lui montre du regard...). Ainsi, notre extrait est d'ores et déjà annoncé, jusque dans son déroulement qui est la mise en pratique des instructions données par Guenièvre, l'expression des sentiments en plus. Le reste de la journée se déroule alors pour Lancelot dans la joie et l'attente, réduite à 26 vers qui traduisent l'impatience qu'il éprouve, si près du but, l'instant seul à seul avec sa dame. La nuit enfin tombée laisse le champ libre aux amoureux, et feignant d'aller se coucher à ce signal, Lancelot ne pouvant dormir attend le moment adéquat pour son départ.
(lecture passage)
Situé au centre de l'oeuvre, ce rendez-vous marque une rupture et ouvre la porte sur la « nuit d'amour », scène unique, acmé du récit et accomplissement de l'aventure personnel de Lancelot.
Nous allons donc voir comment ce passage nocturne, annoncé quelques vers plus haut, véhicule un sentiment d'étrangeté et par là de mise à distance, tout en introduisant la « nuit d'Amour », enclave et véritable tournant de l'oeuvre. (...)
[...] Mais les répercutions qu'elle aura sur la suite de l'action prouvera son importance, et le tournant qu'elle marque. L'obscurité de la nuit est renforcée par l'absence de toute source lumineuse, sur laquelle l'auteur insiste avec la répétition des négations dans cette énumération (ni lampe, ni lanterne ne brûlaient; même la lune et les étoiles ne brillaient pas). L'amant peut donc d'autant mieux passer inaperçu. Une atmosphère silencieuse presque religieuse est mise en place. Mais bien que Lancelot soit heureux de ces aspects propices à sa fugue, et qu'il soit porté par le désir et l'appel du rendez-vous, il y quelque chose d'inquiétant, comme un mauvais présage, qui introduit une certaine tension (que lui ne semble pas percevoir). [...]
[...] tout est comme mis en place pour les tenter : le chemin sans embûches, le mène droit à la fenêtre; (résisteront-ils à la tentation?) Manière de les tester, mais s'il franchisse la frontière de l'amour physique, Chrétien de Troyes n'en répond plus : c'est pourquoi après cette nuit (rien n'est plus comme avant.) CDT nous montre qu'il est facile d'arriver à l'adultère (une fois qu'on a fait ses preuves), mais parfois il y a une barrière à ne pas franchir, surtout quand il s'agit de la reine. Met en garde, car annonce que le destin trouvera le moyen de se venger de la trahison (envers son seigneur) : chute conséquente à la transgression. [...]
[...] (lecture passage) Situé au centre de l'oeuvre, ce rendez-vous marque une rupture et ouvre la porte sur la nuit d'amour scène unique, acmé du récit et accomplissement de l'aventure personnel de Lancelot. Nous allons donc voir comment ce passage nocturne, annoncé quelques vers plus haut, véhicule un sentiment d'étrangeté et par là de mise à distance, tout en introduisant la nuit d'Amour enclave et véritable tournant de l'oeuvre. J'y ai repéré trois mouvements : I. v.v. 4559-4577 : cheminement de Lancelot depuis son lit jusqu'à le fenêtre de Guenièvre, (un parcours étrangement facile) II. v.v. 4578-4582 : l'apparition de la reine, (toujours en position supérieure de la dame) III. [...]
[...] Chrétien de Troyes met en garde, mais la machine du désir est en route et nous sommes sur le seuil de la nuit d'amour, sommet et tournant de l'oeuvre. Dans la chronologie amoureuse, le rendez-vous, relevant d'un consentement mutuel, est bien l'étape précédent la nuit d'amour. Les deux derniers vers montrent bien la passion réciproque qui anime les deux amants, désireux l'un de l'autre, à travers la structure syntaxique en chiasme du vers 4589 qui symbolise leur désir de s'entremêler, réciprocité des sentiments, à l'instar des doux saluts qui s'entrecroisent, comme pour annoncer la réunion charnelle des amants. [...]
[...] En général, c'est un lieu de rencontre amoureux. (car l'association jardin/amour est très présente dans les romans de cette époque, selon Ernesta Caldarini dans son article Un lieu du roman médiéval : le verger. Ici, c'est bien le lieu de la rencontre des amants, à la fenêtre de la chambre de Guenièvre. On peut donc y voir une annonce de la nuit d'amour magique que Lancelot va passer avec Guenièvre après cette traversée, mais le mur écroulé introduit un décalage. [...]
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