La lettre CXXV ouvre la quatrième partie du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses. L'expéditeur est Valmont, la destinataire est la marquise de Merteuil. La structure de cette missive se compose de deux parties principales : d'abord, l'annonce de la victoire, ensuite le très long récit de la manière dont Valmont a réussi à vaincre les réticences de la Présidente. Ainsi, puisque le contrat est rempli : il a réussi à séduire Mme de Tourvel, Valmont annonce d'une manière triomphale son succès à sa complice.
La mise en place de la stratégie amoureuse et la victoire remportée sont assimilées à une véritable campagne militaire. La lettre en témoigne à travers l'importance des nombreux champs lexicaux appartenant au domaine de la guerre et de la conquête. Mais, en même temps, Valmont laisse transparaître ses sentiments et ne peut s'empêcher de dire à quel point il a été heureux, sensible aux charmes de la Présidente, et ému. Il démontre ainsi qu'il s'est conduit en véritable séducteur, mais n'a pas conservé la froideur et l'indifférence du vrai libertin. La lettre révèle une sensibilité qui n'était pas prévue et qui met Valmont à la merci de la marquise.
La correspondance traduit sa fonction confidentielle : elle permet l'aveu des sentiments sincères, l'épanchement. Elle permet de traduire des élans, de les analyser et de les revivre. Elle favorise une sorte de dédoublement que la présence d'un interlocuteur qui est aussi confident rend plus agréable.
[...] En parlant de bonheur, Valmont peut certes se féliciter du bonheur de sa victoire, mais il l'associe à une émotion étroitement liée à l'affectivité amoureuse : le bonheur d'un sentiment éprouvé à l'égard de Mme de Tourvel, et qu'il trahit ici. Cette notion de bonheur s'exprime spontanément dès le début de la lettre : Je suis encore trop plein de mon bonheur». Malgré ses dénégations, ce n'est pourtant pas non plus celui de l'amour Valmont reconnaît s'être laissé emporter et avoir ressenti quelque chose qu'il ne parvenait pas tout à fait à maîtriser. Fonctions et dangers de la correspondance. Le contrat n'est pas respecté. [...]
[...] En détaillant à Mme de Merteuil le bonheur singulier qu'il a éprouvé à séduire la Présidente, Valmont risque de déplaire à la marquise parce qu'il l'aura doublement blessée, à la fois dans son rôle d'organisatrice toujours maîtresse du jeu et dans son statut de femme. Quant à la vulnérabilité de Valmont, elle provient de sa trop grande spontanéité et de sa trop vivace sincérité, l'une s'expliquant par l'autre. Heureux et sous le charme il déroge ainsi à l'une des règles fondamentales du libertinage, qui est de ne jamais laisser apparaître ses véritables sentiments. Valmont n'a pas ici la force d'hypocrisie et de cynisme de Don Juan. [...]
[...] Je chéris cette façon de voir, qui me sauve l'humiliation de penser que je puisse dépendre en quelque manière de l'esclave même que je me serais asservie; que je n'aie pas en moi seul la plénitude de mon bonheur; et que la faculté de m'en faire jouir dans toute son énergie soit réservée à telle ou telle femme, exclusivement à toute autre. Ces réflexions sensées régleront ma conduite dans cette importante occasion; et vous pouvez être sûre que je ne me laisserai pas tellement enchaîner, que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens, en me jouant et à ma volonté. Commentaire composé Introduction. La lettre CXXV ouvre la quatrième partie du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses. [...]
[...] Ici, au contraire . et Ce n'est donc pas . c'est une victoire complète ce qui exacerbe la difficulté de l'entreprise et donc par la même le mérite qu'il y a à l'avoir menée à bien. L'insistance porte sur les difficultés qui sont complétées par l'utilisation d'adjectifs : complète pénible savantes Valmont met en avant son attitude : dû à moi seul Enfin, Valmont exprime sa fierté de manière directe en précisant lui-même la nature de ses sentiments par tout un champ lexical de l'affectivité : plaisir douce impression Je chéris cette façon de voir». [...]
[...] Quand même la scène d'hier m'aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais; quand j'aurais, un moment, partagé le trouble et l'ivresse que je faisais naître: cette illusion passagère serait dissipée à présent; et cependant le même charme subsiste. J'aurais même, je l'avoue, un plaisir assez doux à m'y livrer, s'il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon âge, maîtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu? Non: il faut, avant tout, le combattre et l'approfondir. Peut-être, au reste, en ai-je déjà entrevu la cause! Je me plais au moins dans cette idée, et je voudrais qu'elle fût vraie. [...]
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