À une époque charnière entre la tradition orale et la tradition écrite, la rumeur tient une place importante dans la société médiévale pour répandre les nouvelles au sein de la population. Ce moyen d'information est présent dans la littérature du Moyen-âge. Francis Gingras nous informe que la rumeur se retrouve fréquemment dans les textes médiévaux en ancien français et qu'elle y tient un rôle-clé : "elle motive les héros à la guerre et assure la renommée du saint auprès du bon peuple".
Chez Chrétien de Troyes, la rumeur est souvent présente dans ses romans, elle a principalement une influence sur l'action du récit. Par contre, dans Le Chevalier de la Charrette, les nouvelles répandues ne vont pas faire l'éloge du héros, au contraire elles vont avoir un effet négatif pour les amants (...)
[...] Francis Gingras nous explique que dans Le Chevalier de la Charrette, les fausses nouvelles menacent à chaque fois les amants[2]. Cette explication est tout à fait illustrée dans ce passage, puisque cette nouvelle, apprise d'abord par le roi Baudemagu, puis par Guenièvre, va amener chez ces deux personnages douleur et tristesse. Quant li rois l'ot, molt l'an est grief (v. 4151). Que trop li ont mis an son cuer grant duel et si grant honte faite (v. 4160-4161). Seulement, ces sensations sont intensément plus fortes chez la reine que chez le roi. [...]
[...] En effet, il est la cause d'un grave affaiblissement de la reine que les gens du royaume vont interpréter comme la mort de Guenièvre. Et cette fausse rumeur va de nouveau se répandre et arriver jusqu'aux oreilles de Lancelot qui tentera à son tour de mettre fin à ses jours. Le thème de la souffrance amoureuse tient un rôle essentiel dans la fin'amor, car comme nous le dit Moshé Lazar, cet amour est principalement fait de douleur et d'inquiétude ; et les joies procurées sont toujours provisoires et menacées. [...]
[...] Certes, tot nu a nu por ce que plus an fusse a eise (v. 4236-4237). La reine se donnera à Lancelot en voyant qu'il a pris le risque d'aller, pour elle, jusqu'à la mort, ce qui accentuera la valeur du fin amant. On peut alors dire que le péché n'est pas finalement la concrétisation de l'acte charnel de l'adultère mais simplement le fait que Guenièvre n'a pas accepté l'amour de son chevalier, dès qu'ils se sont vus au royaume de Gorre. [...]
[...] M. LAZAR, Amour courtois et fins'amors dans la littérature du XIIe siècle, p M.-N. LEFAY-TOURY, La tentation du suicide dans le roman du XIIe siècle, p OVIDE, Les Métamorphoses IV, 55-166. M. LAZAR, Amour courtois et fins'amors dans la littérature du XIIe siècle p. 60-61. D. BOUTET., Histoire de la littérature française du Moyen Age, p.48. D. BOUTET, Histoire de la littérature française du Moyen Age,p.48. [...]
[...] Si on suit cette optique, on peut suggérer que la parodie du suicide permet alors à Chrétien de montrer les limites de la fin'amor et de ne pas la considérer comme un modèle. Deuxièmement, on peut penser que dans une époque fortement christianisée, le suicide des amants ne se réalise pas, car cela va à l'encontre de la morale religieuse. Il y a effectivment des éléments sensés dans ces deux hypothèses, mais la plus pertinente est qu'il n'y a aucun intérêt pour le roman si Lancelot et Guenièvre meurent à ce moment de l'histoire. [...]
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