Après avoir soutenu l'ascension de Louis Napoléon Bonaparte, Victor Hugo passa à l'opposition républicaine, car il comprit très vite que le généreux programme de justice sociale du prince président - la paix, l'instruction pour tous et l'abolition de la misère - resterait dans les tiroirs.
Quand deux jours après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, Napoléon eut donné l'ordre de tirer sur les insurgés, Victor Hugo apprit qu'un enfant de sept ans nommé Boursier avait été tué et aida à sa toilette funèbre. Il raconta d'abord ces événements dans un texte en prose, puis, le 2 décembre 1852, à Jersey, il composa « Souvenir de la nuit du quatre » et le publia dans Châtiments. Cette tragédie lui a inspiré un récit où le pathétique cède à la violence de la satire.
[...] Le vers 44 laisse entrevoir, en effet, une tragédie familiale : la mère de l'enfant, qui est la fille de l'aïeule, est morte. Au vers 59, les deux nasales contenues dans trembler et temps, l'abondance des r et des dentales, la personnification du temps et l'emploi de l'épithète inattendue gris, tout évoque la vie terne qui attend l'aïeule : De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps Le chagrin de l'aïeule se manifeste par ses sanglots, des larmes et le tremblement, sa détresse se traduit par des questions. [...]
[...] Les attaques de Victor Hugo sont d'un autre ordre. Il dénonce la cupidité du prince-président dans les vers 51 à 57, en particulier, par l'énumération (v. 52-54) et par la gradation que l'on peut observer dans les verbes introductifs : il aime, il lui convient, il veut avoir, il faut. Du goût (il aime), on passe à l'obligation (il faut), ce qui laisse entrevoir la tyrannie. La cupidité du chef d'État est d'autant plus scandaleuse que la vie de plaisirs qu'il mène (suggérée, par exemple, par le rejet de chasses au vers 54 et par le rapprochement entre les plaisirs de la chasse et les conquêtes amoureuses connotées par alcôves) s'oppose au dénuement total du peuple, représenté par l'aïeule, cousant elle-même le corps de son petit-fils dans un linceul, car elle est trop pauvre pour acheter un cercueil. [...]
[...] Il raconta d'abord ces événements dans un texte en prose, puis, le 2 décembre 1852, à Jersey, il composa Souvenir de la nuit du quatre et le publia dans Châtiments. Cette tragédie lui a inspiré un récit où le pathétique le cède à la violence de la satire. Une vigoureuse satire politique Dans le passage qui forme la fin du poème, Victor Hugo passe du spectacle pathétique de la douleur d'une grand-mère pleurant son petit-fils à une vigoureuse satire politique ayant pour cible l'auteur du coup d'État, Louis Napoléon. [...]
[...] Les Châtiments, Souvenir de la nuit du quatre Victor Hugo La nuit du 4 décembre 1851, un enfant a été tué près d'une des barricades dressées à Paris contre le coup d'État du prince Louis Napoléon Bonaparte, le futur empereur Napoléon III. Le poète donne d'abord la parole à la grand-mère de l'enfant défunt Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus. Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus. Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ; Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! [...]
[...] La place du verbe sauve à la fin du vers 54, l'enjambement et le rejet de famille au début du vers suivant, le rythme ternaire qui met sur le même plan la famille, l'Église et la société, enfin la diérèse dans société, tout est mis en œuvre pour souligner l'écart entre la réalité et l'apparence, tout rappelle les titres ironiques donnés par Victor Hugo aux trois premiers livres des Châtiments : La société est sauvée, L'ordre est rétabli et La famille est restaurée. La cruelle réalité s'oppose à la propagande officielle : on a délibérément détruit une famille, en tuant le petit garçon qui aurait pu soutenir sa grand-mère parvenue à un âge avancé. Sous la plume de Victor Hugo, l'ironie est une arme redoutable. Tantôt elle sert à renforcer une antithèse : il est pauvre, et même prince. Un prince ne saurait être pauvre ! [...]
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