A l'époque, le Lido n'est pas encore une station balnéaire mais une étroite et longue bande de terre qui sépare Venise de l'Adriatique. Dans la description, le regard va et vient de l'horizon à la plage, de la mer au sable, attiré surtout par « l'immensité pélagienne ». L'architecture du paysage, où dominent les lignes horizontales, est suggérée par des mots rares ou techniques : « guirlandé », « limbe » (l 10-19), ce dernier, avec son singulier peu usité, désignant une bande (d'étoffe), une zone intermédiaire (...)
[...] Cette mer est aussi le signe de la continuité solide du moi. Au Lido, les jeux avec les vagues renouvellent ceux de l'enfance malouine ; le grand vaisseau disparaissant à l'horizon rappelle ceux du départ pour l'Amérique ou pour Jérusalem ; ces Vénitiennes parées de coquillages sont sœurs des Floridiennes rencontrées dans les bois américains, de la Sylphide aussi. Mais les gestes d'adoration rituelle, voire de purification lustrale, les rythmes ternaires des propositions Je caressai, je portai puis je me promenai l des adjectifs leur bruit dolent, familier et doux, l 20) auront-ils le pouvoir magique espéré, de ressusciter le passé et d'exorciser les menaces du temps ? [...]
[...] Je laisse ici sous le nom de Rêverie un crayon imparfait de ce que je vis, sentis et pensai dans ces moments confus de médiations et d'images. Tels sont les termes dont use Chateaubriand pour présenter à son lecteur le dernier chapitre du livre septième tout entier consacré à Venise de la Quatrième partie des Mémoires. Dégager les axes de lecture : Les images en question composent un tableau en grisaille, cadre propice à une méditation tour à tour voluptueuse et amère Un paysage état d'âme : La description fait surgir un décor précis et symbolique, en étroite corresponde avec la mélancolie du promeneur solitaire La plage du Lido : A l'époque, le Lido n'est pas encore une station balnéaire mais une étroite et longue bande de terre qui sépare Venise de l'Adriatique. [...]
[...] Une longue protase évoquant, en vain, les changeantes merveilles tourne court sur la brève apodose : ne s'est point opérée 5). Les deux vocables aphonie et mélodie sont des trouvailles de style : le premier, un néologisme, se rapporte aux ténèbres, le second à la lumière, le sens étant éclairé par l'association des deux mots. Outre l'euphonie, on note une surprenante synesthésie : Chateaubriand entend se lever l'aube. Une tonalité presque funèbre s'accorde à cette grisaille : les limbes c'est aussi le séjour des morts. Le terme métaphorique ridé l. [...]
[...] Une sorte de film à l'envers, en accéléré, ne rebâtit le mouvement d'une vie que pour y installer, déjà, une chambre funéraire : Sous quel amas de jour suis-je dons enseveli ? : Chateaubriand a 69 ans, et jamais ne l'a quitté jusqu'à se ce jour la hantise de la mort. Conclusion : La Rêverie au Lido exprime encore une fois, s'il en était besoin, les contradictions intimes de René, toujours oscillant entre ses songes, ses rêves de bonheur, d'éternité, de souvenirs, qui sont aussi des songes, et l'interrogation angoissée qui ne cesse de retentir dans les Mémoires. [...]
[...] Les langages de la mer, de la navigation, des sciences naturelles sont mis à contribution : serraient le vent à la côte la houle le reflux la grève le focus 10). Les phrases courtes, juxtaposées, relèvent d'un impressionnisme avant l'heure. Allitérations et assonances renforcent le pouvoir évocateur des mots, soit fluides : lame déroulante soit pesantes : marquetaient en troupe la plage. 3. Une grisaille mélancolique : Quand le voyageur se retrouve au bout de sa course sur la rive abandonnée du Lido, ce n'est plus la mer glorieuse et azurée de Brest, la vie affairée d'un grand port. L'aurore ébauchée sans sourire rate son entrée. [...]
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