Commentaire composé semi-rédigé de l'extrait "Sur Venise" issu du chapitre 18 des Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand.
[...] Les "images" en question composent un tableau en grisaille, cadre propice à une "méditation" tour à tour voluptueuse et amère. Texte étudié Il n'est sorti de la mer qu'une aurore ébauchée et sans sourire. La transformation des ténèbres en lumière, avec ses changeantes merveilles, son aphonie et sa mélodie, ses étoiles éteintes tour à tour dans l'or et les roses du matin, ne s'est point opérée. Quatre ou cinq barques serraient le vent à la côte ; un grand vaisseau disparaissait à l'horizon. [...]
[...] Les langages de la mer, de la navigation, des sciences naturelles sont mis à contribution : "seraient le vent à la côte", "la houle . le reflux . la grève . le focus". Les phrases courtes, juxtaposées, relèvent d'un impressionnisme avant l'heure. Allitérations et assonances renforcent le pouvoir évocateur des mots, soit fluides : "lame déroulante", soit pesantes : "marquetaient en troupe la plage". B. Une grisaille mélancolique Quand le voyageur se retrouve au bout de sa course sur "la rive abandonnée" du Lido, ce n'est plus la mer glorieuse et azurée de Brest, la vie affairée d'un grand port. [...]
[...] Je caressai ces berceuses de ma couche ; je plongeai mes mains dans la mer ; je portai à ma bouche son eau sacrée, sans en sentir l'amertume : puis je me promenai au limbe des flots, écoutant leur bruit dolent, familier et doux à mon oreille. Je remplissais mes poches de coquillages dont les Vénitiennes se font des colliers. Souvent je m'arrêtais pour contempler l'immensité pélagienne avec des yeux attendris. Un mat, un nuage, c'était assez pour réveiller mes souvenirs. [...]
[...] Analyse Un paysage d'état d'âme La description fait surgir un décor précis et symbolique, en étroite correspondance avec la rêverie du promeneur solitaire. A. La plage du Lido A l'époque, le Lido n'est pas encore une station balnéaire mais une étroite et longue bande de terre qui sépare Venise de l'Adriatique. Dans la description, le regard va et vient de l'horizon à la page, de la mer au sable, attiré surtout par "l'immensité pélagienne". L'architecture du paysage, où dominent les lignes horizontales, est suggérée par des mots rares ou techniques : "guirlandé", "limbe", ce dernier, avec son singulier peu usité, désignant une bande (d'étoffe), une zone intermédiaire, qu'ici se disputent l'eau et la terre. [...]
[...] Au Lido, les jeux avec les vagues renouvellent ceux de l'enfance malouine ; "le grand vaisseau" disparaissant à l'horizon rappelle ceux du départ pour l'Amérique ou pour Jérusalem ; ces Vénitiennes parées de coquillages sont soeurs des Floridiennes rencontrées dans les bois américains, de la Sylphide aussi. Mais les gestes d'adoration rituelle, voire de purification lustrale, les rythmes ternaires des propositions caressai, je portai . puis je me promenai"), des adjectifs ("leur bruit dolent, familier et doux") auront-ils le pouvoir magique espéré, de ressusciter le passé et d'exorciser les menaces du temps ? B. [...]
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