La Chartreuse de Parme, Stendhal, Clélia, Tour Farnèse, deuxième jour de l'emprisonnement de Fabrice
Le texte raconte le deuxième jour de l'emprisonnement de Fabrice dans la Tour Farnèse. Le héros, comme on le sait, est condamné à douze ans de prison pour avoir tué le comédien Giletti. Mais le lecteur sait également que le meurtre n'est qu'un prétexte à l'incarcération de Fabrice (il était en état de légitime défense). Tombé dans le piège tendu par l'infâme courtisane la marquise Raversi, la police de Parme mis la main dessus et le conduisit à la Tour.
Il s'agit ici du deuxième retour du narrateur de La Chartreuse de Parme au récit de prison. Après avoir montré Fabrice les menottes aux mains et amorcé la description de la prison, le narrateur retourne au récit de Parme, particulièrement pour nous raconter les efforts déployés par le comte Mosca et la Sanseverina pour sauver Fabrice : c'est justement le contraste entre l'inquiétude de ces deux personnages et l'état «insoucieux » d'un Fabrice en train de savourer le plaisir et le bonheur de son séjour en prison qui donne à ce passage tout son sens.
[...] Je dis piège heureux car comme on vient de le voir, les oiseaux jouent ici le rôle de substitut par rapport à l'objet absent, mais aussi, parce que Fabrice, à l'image de ces oiseaux qui attendent d'être nourris de la main de la même Clélia, vit dans l'espoir de la revoir. Dans ce sens, le chant d'oiseaux que perçoit Fabrice et qu'entend peut-être Clélia l'absente constitue un chant de bonheur, un hymne à l'amour naissant dans ce jour naissant. L'élévation des lieux dont parle la phrase qui suit est symbole de l'élection du jeune couple. [...]
[...] Cette Tour menaçante dont l'ombre semait naguère la terreur sur tous les habitants, cette fameuse citadelle de Parme, terreur de toute la Lombardie ; et la forme physique de cette prison, de laquelle on raconte des choses horribles, la fait reine, de par la peur, de toute cette plaine, qui s'étend de Milan à Bologne.” cette Tour est ici décrite par le narrateur comme faisant partie intégrante du paysage sublime qui s'offre à Fabrice ( le va-et-vient incessant de son regard entre la prison et les Alpes lui permet d'embrasser presque en même temps les deux vues, ce qui est, pour le narrateur, une manière de les assimiler: ] et tout en examinant les immenses chaînes des Alpes,( ses regards revenaient à chaque instant aux magnifiques cages? Loin d'être menaçante ( voir plus haut la Tour devient l'ombre protectrice de la volière : elle ?la volière] était abritée par la Tour Farnèse Se transforme ainsi en poésie ce qui devrait être le lieu d'un drame. Le deuxième paragraphe, comme le premier, commence par une question. Cependant, contrairement à l'espoir qu'exprimait le premier moment du passage, cette phrase dit combien est grande l'inquiétude de Fabrice. [...]
[...] Cette vision se vérifie surtout à travers la phrase au discours direct, très fortement chargée de déictiques spatiaux: le démonstratif déictique (chambre) est repris par sous ma fenêtre”( = foyer de focalisation remplaçable par sous mes yeux). Ainsi, la parole ( le discours direct ) et le regard comblent le silence et l'absence. Ill faut noter également que dans ce contexte, hormis le segment sous ma fenêtre, il n'ya pas la moindre évocation de l'espace dans lequel se trouve Fabrice; autrement dit, pas un seul mot sur la cellule; l'effacement de cet espace signifie la métamorphose de la prison: lieu de désespoir et de privation, elle est changée en décor trasfiguré et presque irréel. [...]
[...] faire des indiscrétions pour être remarquer Mais les interrogations de Fabrice, qui témoignent de son inquiétude, sont en même temps signes d'une grande lucidité. En effet, malgré l'affabulation (caractère des êtres en proie à l'amour naissant ) du début, Fabrice pose déjà les jalons du scénario à venir : Ma foi, il faut faire des indiscrétions pour être remarquer ; ma situation doit avoir quelques privilèges La dernière phrase s'oppose à tout le reste du passage ; Fabrice ne s'exprime plus ni sur le mode de l'hypothétique, ni par le moyen de la modalité interrogative. [...]
[...] Clélia reste le personnage le moins décrit parmi tout le groupe des élus de La Chartreuse de Parme(les happy few). Il s'agit ici de sa physionomie, mais d'une physionomie plutôt nommée, à peine qualifiée ( un seul adjectif- belle), comme si le seul fait de la nommer suffisait à la caractériser, de sorte qu'on peut dire que la description est quasi tautologique) . Cependant, la phrase, fortement suggestive, suffit à donner de l'être de Clélia ce qu'il a de fondamental et d'essentiel : l'élévation («céleste et la profondeur («pensive»). [...]
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