Le Charroi de Nîmes est une chanson de geste composée entre 1135 ou 1140 et 1160 ou 1165 selon Jean Frappier. Elle met en scène le personnage Guillaume Fierebrace, qui, courroucé de ne pas s'être vu attribué un fief par Louis le Pieux, décide de conquérir les domaines sarrasins afin d'acquérir ses propres terres. La scène que nous allons étudier est la description de l'entrée des troupes Françaises dans la cité nîmoise. Elle suit directement la mise en place de la stratégie du charroi, inspirée par un vilain, et débouche sur la découverte du plan ingénieux par les autorités sarrasines. Contrairement à une scène d'assaut ordinaire, comme la première croisade à Jérusalem en 1099 qui fût un véritable massacre, les chevaliers Français atteignent Nîmes sans grands obstacles. Le trouvère, après avoir conté la prise de la cité, semble vouloir la justifier. C'est pourquoi il est ici nécessaire de se demander en quoi les laisses quarante-trois et quarante-quatre allient divertissement et argumentation (...)
[...] La conquête est faite au nom de la religion, idée que nous développerons ultérieurement. Dans ce nouveau prologue qui rappelle celui qui précède le récit de La prise d'Orange (les six décasyllabes sont analogues), on peut aussi remarquer que le trouvère insiste sur la caractère vrai de la chanson : deux négations syntaxiques se succèdent n'a pas pour sujet une action déraisonnable ou insensée (négations morphologiques présentes dans le dé-raisonnable et le in-sensée) et ne se fonde ni sur des sources ni sur des informations mensongères (nouvelle double négation) ; et après cela, vient se greffer un mais de rupture qui permet de mettre l'accent sur la bravoure des chevaliers et sur les raisons légitimes de la conquête L'éloge de la conquête Rappel de l'importance économique/politique L'importance économique et politique de la conquête des terres sarrasines n'est pas un aspect dominant de notre passage, mais pour comprendre la conquête de Nîmes, il est nécessaire de rappeler le rôle de ce facteur. [...]
[...] De plus, le fait que ce soit par la porte que les assaillants s'introduisent dans la cité est encore plus inouï. Ils n'ont pas besoin d'utiliser la force. Ils sont même accueillis à bras ouverts par l'ennemi qui ne se doute guère de la machination des Français Le ridicule des Sarrasins par rapport à l'ingénuité et à la bravoure Française Les Sarrasins On peut voir que les Sarrasins sont tournés en ridicule et on peut constater l'infériorité que l'auteur a voulu communiqué face au peuple des vaillants François Les Français utilisent la ruse, donc ils passent pour savants tandis que les Sarrasins, croyant à la manigance des opposants, paraissent sots. [...]
[...] De la parodie et du comique à la rationalisation On l'a vu, Le Charroi de Nîmes présente beaucoup d'aspects comiques ; tant par les noms des Sarrasins, que par le travestissement des chevaliers. D'ailleurs, Claude Lachet dit de notre chanson de geste que c'est à la fois une œuvre de propagande ( ) et une œuvre de divertissement qui joue avec les poncifs, rit des Sarrasins et des Français, déguisés en vilains ou cachés dans des tonneaux, de Guillaume, ‘chevalier de la charrette' avant Lancelot La parodie d'une scène d'assaut A la première lecture de la laisse quarante-trois, on n'a pas l'impression d'assister à une scène d'assaut. [...]
[...] Conquérir la cité de Nîmes est une action, avant toute autre chose, purement idéologique (dans un sens religieux) ; c'est pourquoi on peut qualifier la prise de la ville de croisade Dans la définition large, toutes les guerres contre les infidèles et les hérétiques, y attachant des récompenses spirituelles et des indulgences, sont des croisades. La prise d'Orange est une croisade puisqu'elle contribue à propager la religion. Le jongleur prend comme exemple la place de la ville : il y oppose la place sous l'autorité sarrasine, décrite au temps de l'indicatif imparfait, et la place sous l'autorité chrétienne, évoquée au présent de l'indicatif. [...]
[...] La position de la ville est stratégique du point de vue des pèlerinages que voudraient accomplir les Chrétiens au sanctuaire de monseigneur saint Gilles Conclusion En conclusion, la fusion entre la description de l'entrée des troupes Françaises dans le contexte d'une scène d'assaut originale et comique par ses aspects parodiques et ridicules, et d'une plaidoirie minutieusement étudiée en faveur de la conquête Chrétienne de la cité Sarrasine produit l'effet, comme le dit Claude Lachet, d'un récit de propagande dont la lecture n'est pas désagréable en ce qu'elle est empreinte de divertissement et de rire. L'ennemi Sarrasin, omniprésent dans la geste du Moyen-Age, est tourné en ridicule, mais les Français, malgré toute la bravoure dont ils font preuve, sont aussi risibles en ce que le déguisement qu'ils portent est grotesque bien qu'ingénieux. Le Charroi de Nîmes est une œuvre qui prône le dévouement absolu du vassal envers le souverain et, comme le montre notre extrait, la conquête des terres païennes au profit de la religion, du roi et de ses vassaux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture