Le XIXe siècle voit la parution d'un nombre conséquent de recueils, nés de la vague romantique : Lamartine, Hugo, Chénier ou encore Théophile Gautier marquent de leur empreinte ce siècle si propice à l'idéalisme. Pourtant, l'un des auteurs les plus marquants de cette fin de XIXe siècle se démarque largement de ces illustres prédécesseurs, en choisissant de montrer les écueils de l'idéal et les beautés de l'ignoble.
Baudelaire choisit ainsi résolument de se détourner des traditions établies de son siècle, et des précédents, et se lance dans une quête inlassable du nouveau, du neuf. Puisque tout a été dit en poésie, et tous les aspects du beau illustrés et explorés, il s'agit d'aller chercher le poétique là où personne ne l'a encore imaginé : c'est ainsi que Baudelaire décide « d'extraire la beauté du Mal » (citation de Baudelaire, extraite d'un projet de préface).
De cette quête nait en 1855 un recueil, les Fleurs du Mal, qui vaudra à son auteur une condamnation pour immoralité, et dont l'esthétique, qui choque les contemporains, est caractérisée par un alliage du Beau et de l'ignoble, du céleste et de l'infernal ; en somme, une esthétique du « bizarre » ainsi que la définit Baudelaire.
Le poème « Les Phares », sixième pièce de la section « Spleen et idéal » du recueil, est construit sur une série de descriptions de l'œuvre de grands peintres des siècles passés, et traite de la nature et de la valeur de l'art.
[...] Puisque tout a été dit en poésie, et tous les aspects du beau illustrés et explorés, il s'agit d'aller chercher le poétique là où personne ne l'a encore imaginé : c'est ainsi que Baudelaire décide d'extraire la beauté du Mal (citation de Baudelaire, extraite d'un projet de préface) 3. De cette quête nait en 1855 un recueil, les Fleurs du Mal, qui vaudra à son auteur une condamnation pour immoralité, et dont l'esthétique, qui choque les contemporains, est caractérisée par un alliage du Beau et de l'ignoble, du céleste et de l'infernal ; en somme, une esthétique du bizarre ainsi que la définit Baudelaire Le poème Les Phares sixième pièce de la section Spleen et idéal du recueil, est construit sur une série de descriptions de l'œuvre de grands peintres des siècles passés, et traite de la nature et de la valeur de l'art LECTURE DU POEME En quoi ce poème peut-il être lu comme une réflexion sur la place de la beauté en art ? [...]
[...] Ces descriptions forment une série de tableaux, qui mettent en valeur l'art du poète. Plus que des descriptions, ces quatrains servent en réalité à faire voir au lecteur l'œuvre même des peintres, en formant une série de tableaux au sein desquelles le lecteur peut reconnaître l'art du poète. (ces descriptions picturales sont en réalité des ekphrasis, c'est-à-dire des tableaux décrivant d'autres tableaux) Ces représentations picturales passent par un travail sur la lumière : la plupart des quatrains sont en effet construit autour d'effets explicites d'ombre et de lumière o 2nd quatrain : travail sur l'ombre ; o 3e : lumière qui éclaire violemment la scène lugubre Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement forme un contraste o 4e : lumière rasante les crépuscules o 6e : lumière étincelante, proche du feu flamboyant éclairés par des lustres o 8e : de nouveau, travail sur l'ombre, absence de lumière directe Ombragé par un bois de sapins toujours verts + sous un ciel chagrin) Le travail sur la lumière permet dans le même temps un jeu sur les couleurs : o dans le 3e quatrain, on note que la métaphore, construite sur un oxymore rayon d'hiver suppose une couleur froide de la lumière ( scène apparaît monochrome, les tons froids o dans le 6e, lumière donne un ton chaud, en raison de l'image du feu qui accompagne la description, renforcée par rime illustres lustres ( scène apparait dominée par les tons chauds, comme le quatrain suivant, où la reprise de l'idée de feu passe par des images infernales, sabbats et Fœtus qu'on fait cuire et suppose aussi une dominante de couleurs chaudes, dans les tons rouges. [...]
[...] Le jeu sur les couleurs s'accompagne également de la volonté de planter un décor, de créer des scènes, dans chacun des quatrains, comme dans ceux-ci : o 1er : scène idyllique, rappel d'un jardin d'Eden, harmonie homme/nature fleuve d'oubli, jardin de la paresse + où la vie afflue et s'agite sans cesse / Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer o 2e : scène à la fois sereine et mystérieuse, étrangement envoutante (image du calme du miroir profond et sombre renvoie à l'image de l'eau qui dort (miroir métaphore usuelle de l'eau) + énigme des personnages des anges charmants, avec un doux souris / Tout chargé de mystères) o 7e : personnages et décors rappellent un imaginaire infernal, mais aussi païen avec des rites qui se rapprochent de la sorcellerie fœtus que l'on fait cuire + miroir ( Ces descriptions forment donc ainsi une série de tableaux, organisés par la lumière, la couleur, les décors. Transition : S'attachant à décrire l'art des grands maîtres de la peinture, Baudelaire ne se contente pas de passer en revue les caractéristiques de leurs œuvres pour souligner leur puissance. Il s'attache aussi à construire dans son poème une série de petits tableaux qui exemplarisent l'art de ces peintres, tout en mettant en valeur le sien, comme poète. [...]
[...] Le poème est construit sur une série de descriptions des œuvres des grands maîtres. Les 8 premiers quatrains sont construits de manière similaire, sauf le 5e (qui fait attendre le nom du peintre au dernier vers, en tête de vers : effet d'attente, mise en valeur du nom) : en tête de chaque vers, le nom du poète, puis une qualification attributive lac de sang fleuve miroir triste hôpital qui sont toutes des métaphores qui renvoient à des objets, des lieux ou des faits, sauf pour Puget qui est comparé à un empereur (on note aussi que c'est le seul à qui le poète s'adresse, dans une adresse Toi qui sus Ces quatrains servent également à décrire l'art des peintres, en mettant en valeur la spécificité de leurs œuvres respectives : o Rubens : la chair Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer o De Vinci : référence à la Joconde Où des anges charmants, avec un doux souris / Tout chargé de mystères [ . [...]
[...] Le poète s'attache à souligner les éléments dissonants dans chacun des tableaux qu'il présente : c'est l'esthétique du bizarre qui transparaît. Les deux premières strophes semblent présenter une image assez idyllique, mais dès la 3e strophe on note une dégradation de ce caractère apaisant : en fait, Baudelaire semble s'attacher à souligner les dissonances présentes dans les tableaux qu'il construit : chez Rubens, c'est l'impossibilité de l'amour (sans doute physique : Mais où l'on ne peut aimer qui entre en conflit avec la description d'un paysage sensuel (avec des notations naturelles : jardin fleuve + image sensuelle oreiller de chair fraîche ; chez Rembrandt, l'opposition entre le sentiment religieux et l'impureté La prière en pleurs s'exhale des ordures ; chez Delacroix, la collusion entre une image inquiétante lac de sang hanté de mauvais anges et une notation a priori idyllique Ombragé par un bois de sapins toujours vert ( Baudelaire s'attache ainsi à souligner une esthétique du bizarre, du monstrueux au sens de la collusion d'éléments opposés, qui créent des images inquiétantes, non conventionnelles Le poème voit la dégradation successive de l'idée de Beau. [...]
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