Douze ans plus tard, Lautréamont publie une oeuvre poétique encore plus déroutante, Les Chants de Maldoror. Véritable épopée du mal, ce long poème en prose met en scène le personnage de Maldoror, tantôt à la troisième personne, tantôt, comme dans la neuvième strophe du deuxième chant, à la première personne.
Déjà dans le chant I, surgit à plusieurs reprises un animal repoussant bien réel, le pou. Dans cet extrait, l'auteur en fait l'éloge et loue sa force destructrice. Par un style provocateur, il touche ainsi le lecteur, l'arrache à ses habitudes et le choque (...)
[...] La fin du texte le confirme : le pou y affronte l'homme (ô race humaine, ligne ce qui laisse entendre que l'enjeu du texte n'est pas dans la singularité d'une scène réaliste ou de sa version fantastique. La portée est plus générale et révèle, au-delà la cruauté inimaginable du pou, celle non moins forte d'un Maldoror ou d'un poète désespéré. III- Un appel à la violence et à la souffrance Le pronom je amical qui prévient et conseille tout au long du texte est aussi celui qui appelle à la souffrance dans les dernières lignes. [...]
[...] Conclusion Cet extrait des Chants de Maldoror surprend le lecteur, plus habitué à la célébration poétique de la beauté. Il est ici dérouté par l'esthétique de la laideur et de la souffrance. Mais, si le pou répugne par son format liliputien ou son gigantisme, le lecteur est séduit, voire même attiré, par la force des mots, l'intrication des registres réaliste et fantastique et le ton familier. Il perçoit alors très nettement le cri douloureux d'un poète désespéré en quête d'un infini qui se dérobe. [...]
[...] Ce retournement blesse une dernière fois le lecteur déjà atteint par la violence oppressante du chant lui-même. Le retournement final Certes le pou est au centre du poème, mais le je du poète ou de Maldoror est particulièrement présent, maîtrisant le temps et la parole : Attendez un instant, je vais vous le dire (ligne 3). Il donne des ordres en recourant à l'impératif, s'avérant plus dominateur que le pou : Attendez (ligne Soyez certains (ligne passez votre chemin (ligne ne lui léchez pas les papilles de la langue (ligne 18).Tout au long du texte, il distille ses conseils pour mieux régner, semblant prendre le parti de l'homme contre le pou qui menace de l'anéantir. [...]
[...] Lorsque l'indicatif apparaît dans le prolongement du conditionnel, le texte bascule dans le merveilleux horrible, la certitude est à nouveau là avec son réalisme. Suite à l'hypothèse d'un combat entre le pou et le cachalot, est esquissé l'essai périlleux (ligne 14) d'un combat avec l'homme : Gare à vous, si votre main est poilue. L'imaginaire est alors évoqué à l'indicatif comme une réalité : C'en est fait de vos doigts. Ils craqueront comme s'ils étaient à la torture. La peau disparaît par un étrange enchantement (lignes 15-16). [...]
[...] Lautréamont suggère un au-delà du dicible, qui exerce sur le lecteur un pouvoir angoissant : Les poux sont incapables de commettre autant de mal que leur imagination en médite (lignes 16-17). Deux registres cependant mêlés - La syntaxe et le vocabulaire Progressivement, le lecteur va se retrouver projeté dans un monde imaginaire angoissant. Cependant, c'est le sujet lui-même du poème qui mêle réalisme et fantastique. Ainsi, les détails ne sont jamais aussi précis que dans le passage évoquant un combat contre un pou monstrueux. C'est un réalisme macabre. [...]
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