Baudelaire, poète du XIXème siècle, fut un « enfant de vieux » et fit une expérience précoce de la mort et donc de la douleur. Aussi ne pouvait-il avoir qu'une conscience hypertrophiée du Temps et du Mal, mais l'originalité baudelairienne réside dans cette alchimie de la souffrance, qui consiste à extraire du mal une beauté propre : c'est ainsi que peut se définir le recueil de poèmes Les Fleurs du Mal, qui est également un cri vers une transcendance vitale et tragiquement absente.
A l'époque où il écrit Chant d'automne, qui fera partie de la deuxième édition du recueil, celle de 1859, Baudelaire est malade : atteint de syphilis, le spleen le ronge, se manifestant par des crises d'angoisse, une sensation d'oppression, des hallucinations et des vertiges…Pis encore, le poète traverse une période d'obsession morbide : « [Il] regarde passer les têtes de mort. » Cette pièce de Chant d'automne appartient à la première section des Fleurs du Mal, intitulée Spleen et Idéal ou la double prostration de l'âme de l'artiste. De plus, nous sommes dans le cycle de Marie Daubrun, muse aux yeux verts et modèle de la femme enfant.
La première impression qui se dégage du texte est cette obsession morbide du Temps. Baudelaire semble effectivement se lire dans le paysage extérieur, sentant que sa vie lui échappe progressivement au fur et à mesure que l'hiver approche. Cependant, la poésie est là justement comme une sorte d'exorcisme et de testament.
[...] Marie Daubrun est ici symbole de la jeunesse et de l'amour. Elle rappelle l'été, symboliquement la jeunesse de son amant, et se caractérise par la douceur. Douce beauté qui lui inspire un certain réconfort sur [ses] genoux ; l'amour est donc une protection, une lumière dans les abîmes du mal, puisque le champ lexical de la lumière ainsi que la présence de couleurs chaudes telles que le bleu de la mer ou l'arc en ciel d'un soleil couchant parcourt cette pièce. [...]
[...] Le temps est donc, en second lieu, envisagé comme une promesse d'arrachement à la souffrance. Dans un futur proche s'annonce le temps du figement, le plongeon dans les froides ténèbres où cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé Autrement dit, le spectacle de l'intériorité est à l'horizon et le temps figure de délivrance ne coule plus. La souffrance est donc d'autant plus atroce que la sensation de froid glacial se dégage du second quatrain. Un autre appel voilé à la mort peut se voir dans l'expression bercé par ce choc monotone : l'image est somme toute insolite par l'alliance des termes, mais elle évoque le sommeil, une certaine quiétude, idée notamment rendue par le groupe nominal choc monotone évoquant une musique de fond ou une berceuse. [...]
[...] En clair, Baudelaire navigue au plus près du gouffre sans jamais y tomber. L'évocation de la saison est en somme l'occasion d'un épanchement spleenétique car elle est le miroir grossissant de l'âme obsédée par le Temps, dieu janséniste et adulé envers lequel toute tentative humaine d'appropriation reste funestement dérisoire à moins que les vers du Chant d'automne ne soient les pieds d'argile de la statue de Chronos ? Pièce dédiée à Marie Daubrun, ce poème peut certes être rattaché à la mélancolie lamartinienne, mais il est surtout, grâce au lyrisme baudelairien, l'expression de la tragédie de l'être humain déchiré entre Spleen et Idéal La loi d'ambivalence, qui régit universellement les choses et les êtres, ne trouve-t-elle pas, dans ce rapport de l'homme au Temps, une application quasi-parfaite? [...]
[...] Prenons les pronoms personnels nous et on ; ils semblent indiquer que le lecteur est concerné, que le destin du poète est celui de tout homme. D'autre part, l'utilisation de l'impersonnel provoque le trouble dans l'esprit du lecteur. A cela vient s'ajouter l'absence de localisation spatio-temporelle précise, puisque les cours ne sont pas identifiés, bien que l'on sache qu'on cloue [ . ] un cercueil quelque part Ceci peut être expliqué par le fait que le poème se construit sur le mode de l'intériorité, mais aussi par le fait qu'il revêt également une dimension fantastique, voire surnaturelle par les images inquiétantes qui surgissent. [...]
[...] Chant d'automne, Baudelaire Commentaire composé Baudelaire, poète du XIXème siècle, fut un enfant de vieux et fit une expérience précoce de la mort et donc de la douleur. Aussi ne pouvait- il avoir qu'une conscience hypertrophiée du Temps et du Mal, mais l'originalité baudelairienne réside dans cette alchimie de la souffrance, qui consiste à extraire du mal une beauté propre : c'est ainsi que peut se définir le recueil de poèmes Les Fleurs du Mal, qui est également un cri vers une transcendance vitale et tragiquement absente. [...]
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