Narrateur, père, dégradation fatale, double mémoire, Jean Rouaud, Les champs d'honneur, littérature contemporaine, souvenir, douleur, deuil, émotion, mémoire personnelle, témoin, mémoire collective, dégradation, Bretagne intérieure, Annie Ernaux
C'est dans le quatrième chapitre de la seconde partie de l'oeuvre que Jean Rouaud fait face à la dégradation des biens matériels, notamment le portail familial, symbole à la fois du temps qui passe et du poids du deuil. Le chapitre s'ouvre sur le personnage maniaque qu'est son père, afin de poursuivre sur une suite d'anecdotes concernant le jardin familial, la dégradation du portail en fer et les difficultés causées par ce portail, le tout du point de vue d'un enfant. Or, ces difficultés causées par le temps qui passe ne sont pas que matérielles.
Alors, nous pouvons nous demander comment Jean Rouaud exprime la douleur du temps qui passe, à travers la dégradation matérielle du fameux portail familial, tout en traitant également la question du deuil ressenti par un enfant. Enfin, on peut également se demander en quoi ce texte a une double signification qui permet d'exprimer une mémoire personnelle, mais également collective.
[...] Ce rapprochement avec la modernité nous rappelle aussi la révolution technique dont a fait preuve la première guerre mondiale. En effet, cette guerre est symbole de la révolution industrielle qui s'est mise en place durant le XXe siècle. Alors, on note dans le texte un champ lexical violent, faisant référence à cette guerre. On le remarque surtout dans la description du portail qui tombe en ruine. Par exemple, on note le verbe gangréner dans le quatrième paragraphe de l'extrait, ce qui rappelle la gangrène dont les soldats étaient atteints dans les tranchées. [...]
[...] En effet, si le père était vu comme un sauveur du chaos, sa disparition vue par les mêmes yeux de l'enfance, cette disparition du sauveur, laisse place au chaos à nouveau. Dès lors, « l'âme comme un brise-glace, dure et tranchante » qu'ils n'avaient pas est nécessaire pour ouvrir et combattre le vieux portail, mais c'est avant tout nécessaire pour affronter le deuil qui suit la perte de cette figure paternelle si importante pour un enfant. Même avec cette rétrospective du narrateur, la manière dont le passage est construit sur certaines anecdotes nous montre que l'auteur recherche encore un point d'ancrage auquel s'accrocher. [...]
[...] Lorsqu'il écrit « Juste avant son remplacement, le portail était devenu si dangereux qu'on avait ordre de ne plus s'en approcher. » La dégradation était telle que le portail ne protégeait plus rien et devait être tenu loin de tout le monde. Cette dégradation touche le père, bien sûr, mais on comprend également les conséquences que ça laisse derrière. Tout d'abord le portail qui suit, puisque c'était le seul à pouvoir s'en occuper, ce qui nous permet de justifier la dégradation matérielle du portail cité précédemment. [...]
[...] L'extrait se concentre avant tout sur la figure du père, on a un retour du temps où il était vivant. L'auteur en fait une description qui se concentre sur l'attention qu'il portait aux détails. Il le fait dès le début du texte en précisant « Jamais de son vivant notre père néguentropique n'aurait laissé les portails se démanteler. » L'adjectif néguentropique témoigne d'une certaine force (bien plus fort que l'adjectif maniaque) qui signale le début d'une description précise sur la lutte qu'il mène contre le désordre. [...]
[...] C'est une démarche qu'il adopte dans toute l'oeuvre, en racontant des anecdotes et des histoires personnelles sur chacune des personnes décédées dont il parle dans ce récit. Ainsi, il reste en quelque sorte ce Robinson triste débarqué sur un archipel des ténèbres, à travers tout les souvenirs qu'il conserve, il recherche une manière d'exprimer la douleur de ce deuil, et une manière de faire vivre sa mémoire familiale, ainsi que la sienne. Alors, si l'auteur se concentre principalement sur une mémoire personnelle dans cet extrait, on peut également deviner une mémoire collective qui se dessine sous ces expériences personnelles. [...]
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