Poème en forme d'apologue puisqu'il s'agit bien de donner ce récit comme emblématique (représentatif de la condition humaine) : ce cortège d'hommes affublés de Chimères que rencontre le narrateur-je, représentant concrètement la tragique condition humaine.
Par ailleurs, le récit lui-même, au lieu d'emprunter au Réel (la plupart des "petits poèmes en prose" s'élaborent à partir d'une anecdote, d'une observation du quotidien), relève de l'hallucination et met en scène des Chimères : (sens premier) monstre mythologique à tête et poitrail de Loin, ventre de chèvre, queue de dragon et qui crache des flammes.
(...) Le caractère fantastique de l'apparition (cortège d'Hommes portant une énorme Chimère) est provisoirement escamoté par l'aspect concret que prend la rencontre à travers le dialogue. Ainsi, si l'on récuse l'existence des Chimères, on récuse en même temps la réalité ou la fiabilité du témoignage du "je".
Le décor, même s'il est succinctement décrit, enracine l'événement dans son espace donné.
"Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans...".
Enfin, les commentaires du locuteur je, impliqué dans la rencontre, qui accompagnent le récit contribuent à créer un dialogue pertinent, non plus avec les hommes rencontrés, mais avec le lecteur "Chose curieuse à noter", "on eut dit qu'il le considérait comme...".
"Tous ces visages fatigués ne témoignaient d'aucun désespoir".
-> Méditation réussie entre le lecteur dubitatif (doute) et les hommes du cortège puisque le JE en contact direct avec :
-les hommes du cortège (...)
[...] Dans le second, on retrouve les mêmes éléments, mais dans une exploitation subjective : - La couleur grise du ciel est rentabilisée émotivement en spleen; la coupole traduisant élargissement et enfermement (spleen, couvercle). - Les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que le ciel = uniformité ciel / terre ne se fait plus à travers la paramètre gris mais sa traduction : la désolation. Les pieds plongés contribue à l'image d'une marche des forçats (entièrement dans cette destinée tragique). La poussière plaine poudreuse. [...]
[...] disparition = mort Le caractère indéfini du décor (dès le début du texte) (nulle-part = partout) qui graduellement va perdre tout contact avec le réel (référent) va permettre l'extrapolation,l'élargissement qui sont caractéristiques de l'apologue. Ainsi, l'expérience, l'anecdote (ici, la rencontre) ne sont plus considérés dans leur particularité (espace-temps, singularité des protagonistes) mais dans leur exemplarité. III- L'effet-duplicata : (voir en parallèle Les Sept vieillards Les fleurs du Mal) Enfin, l'anonymat et la similitude des hommes ainsi que leur nombre (indéfini mais pluriel) favorise l'extrapolation. Dénomination plusieurs hommes Chacun d'eux portait tous sont un de ces hommes. [...]
[...] En cela, il devient inférieur aux hommes du cortège. Ici les pôles sont inversés. Cette marche aveugle des hommes : qui ne savent où ils vont . mais vont quelque part + qui sont opprimés par la Chimère . mais la considèrent comme une partie d'eux-mêmes + qui sont condamnés à espérer toujours . mais qui ne témoignent d'aucun désespoir + Cette représentation tragique (hommes : jouets de la destinée : poussés par l'invincible opprimés condamnés à de la destinée humaine, parce qu'acceptée, devient admirable, tandis que le lucide renoncement à comprendre devient abject. [...]
[...] Baudelaire exploite les deux sens du terme puisque : dans son récit, en qualité de témoin oculaire, il accrédite l'existence de Chimères = monstres mythologiques (sens 1). dans l'élucidation (sens à l'histoire) qu'il veut faire de ce spectacle consternant, il évoque le mystère ; et le renoncement qui s'ensuit, il suggère que ce spectacle n'était sans doute qu'illusion, que mirage (sens 2). Réécriture : Pour l'inspiration, on peut dire que le poème rejoint dans les Fleurs du Mal Les Sept vieillards Les Petites vieilles cortèges hideux qui troublent jusqu'à la folie le poète, et l'interrogent sur son propre rapport au Temps et à la condition humaine. [...]
[...] En effet, parce que spectateur ébahi (au même titre que le lecteur) devant ce cortège, il se hébété dessine, lui, comme homme non aliéné, exempt de Chimère qui ici surmonte, enveloppe, opprime l'homme. Néanmoins, en renonçant à comprendre, en cédant à l'irrésistible Indifférence il se dit plus accablé que ces hommes ne l'étaient de leurs écrasantes Chimères il devient à son tour ALIENE. Le parallèle entre l'Indifférence Chimère (déjà explicite par le redondant lourdement accablé qui répond à écrasantes est favorisé par le traitement allégorique de l'indifférence. Le je-narrateur n'assume plus sa position d'homme. [...]
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