El Casamiento engañoso, El Coloquio de los perros, Miguel de Cervantès, traduction, recueil de nouvelles, langue française, langue espagnole, Maurice Molho, Vital d'Audiguier, traduction comparée, Jean-Marc Pelorson, proverbes, temporalité, spatialité, archaïsme, expressions, procédé de traduction, Jean Canavaggio, référence spatiale, référence culturelle, référence temporelle, polysémie, jeu de mots, proverbe espagnol, proverbe français, culture espagnole, adaptation, traduction littérale, reformulation, problème de traduction
Le sujet de cette étude est de comparer les deux traductions les plus récentes de deux nouvelles de Cervantès : el Casamiento engañoso et el Coloquio de los perros. Il s'agit des deux dernières nouvelles du recueil des Novelas ejemplares, publié pour la première fois en 1613. Ces deux nouvelles sont distinctes, mais imbriquées l'une dans l'autre par le procédé de l'enchâssement, c'est-à-dire, ici, qu'à la fin du Casamiento engañoso, l'un des personnages lit la nouvelle du Coloquio de los perros.
Ces textes posent, bien sûr, des problèmes de traduction spécifiques au passage de la langue espagnole à la langue française, des difficultés liées au style de l'auteur, mais également liées au temps qui s'est écoulé entre leur première publication et notre époque, celle des deux traducteurs, que plus de trois siècles séparent de Cervantès.
[...] Mais le refus de l'anachronisme et, surtout, la volonté de calquer les expressions espagnoles amènent parfois Maurice Molho à éloigner davantage le lecteur français de Campuzano, Cipión et Berganza que ne doit l'être un lecteur espagnol d'aujourd'hui. Il s'agit donc bien, par l'emploi de ces calques, de « dépayser » le lecteur, d'instaurer entre lui et le texte une autre distance, qui n'est pas due au temps, mais à la langue elle-même. On note néanmoins une exception dans la traduction de Maurice Molho, qui montre encore une fois que son texte est également un « hybride », qu'il comporte différents états de langue, comme semblait le faire remarquer Jean-Marc Pelorson. [...]
[...] Ainsi, la metamos en casa, devient nous fassions notre aubaine, traduction qui est par ailleurs justifiée dans une note qui explique au lecteur qu'il s'agit d'une allusion à un proverbe. Le terme aubaine est en effet un synonyme de chance, d'occasion et traduit donc bien une des idées du proverbe. La traduction de la deuxième partie du proverbe est donc une traduction du sens du proverbe entier, ce qui permet, d'une certaine manière, la répétition du complément, comme dans le proverbe originel. [...]
[...] Or, l'expression figée partage avec le proverbe la notion d'idiotisme. En effet, son message est ici délivré sous la forme d'une métaphore, mais dans laquelle cœur et main ont également une valeur métonymique. Main et cœur y symbolisent la générosité : la main est mise ici pour ce qui permet de donner et le cœur pour ce que l'on donne. Mais le cœur représente également, de manière courante, au sens figuré et par métaphore, le siège de l'affectivité. La traduction du proverbe utilise donc ces connotations. [...]
[...] Il permet donc d'accentuer la valeur de généralité du proverbe, et est beaucoup plus fréquent que le participe passé dans les proverbes espagnols comme dans les proverbes français. Il peut donc constituer un « trait d'identification ». On le retrouve en effet dans de nombreux proverbes, tels que : « A beau mentir qui vient de loin, Il vaut mieux tenir que courir, On ne fait pas d'omelette sans casser les œufs . » D'autre part, Maurice Molho a traduit trecho par trait, qui dérive du même étymon (tractus), et qui, au XVII[è] siècle, pouvait aussi désigner, entre autres, une distance spatiale ou temporelle. [...]
[...] On le retrouve en effet dans la liste de proverbes établie par Alexandra Oddo-Bonnet. Il semble avoir été également d'usage courant à l'époque puisqu'il est relevé par le Diccionario de Autoridades, qui en donne cette définition : "Del dicho al hecho hai gran trecho. Refr. Que previene la distáncia que hai entre lo que se dice y lo que se executa : y enseña no se debe creer ó tener por logrado todo lo que alguno ofrece, pues siempre suele ser mucho menos lo que se cumple que lo que se promete." Il s'agit donc d'un proverbe d'expression indirecte assez facilement compréhensible. [...]
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