Les Caractères chapitre XI, Jean de La Bruyère 1688, commentaire de texte, personnage monomanique, La Rochefoucauld, auteurs moralistes, moeurs du 17e siècle, jansénisme
"Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger". Cette expression attribuée à Socrate signifie qu'il ne faut pas se laisser aller à la gloutonnerie. Elle sera reprise plus tard par Molière dans "L'avare" et s'apparentera davantage à une diatribe (conversation philosophie, genre littéraire dans l'antiquité) dirigée contre l'avarice, et sera prise dans un sens ironique. Dans une période où la contestation politique doit savoir se dissimuler sous des écrits acerbes (Bossuet, La Rochefoucauld), et où la théologie devient inquiétante (mouvement janséniste), le XVIIe siècle inspire aux auteurs moralistes la sombre délectation avec laquelle ils ont sondé les petitesses de la comédie humaine.
[...] Obsession du pers pour la nourriture : il ne fait que parler de ça. - Expression anaphorique « il dit » : le narrateur rapporte les propos de Cliton. - Adjectif relationnel « dernier » (« dernier repas ») : suggère le nombre important de ces repas. référence biblique : quand on connaît la fin du texte, très ironique ici. - « Il dit combien il a eu de potages et quels potages » : insistance sur la quantité à travers l'hyperbole et la répétition du nom « potages » avec la forme d'épanorthose ici (rajout). [...]
[...] On note également que le verbe « manger » apparaît de manière récurrente dans notre texte, et il faudra commenter cette référence. Le texte appartient au sous-genre du caractère, très répandu aux XVIIe et XVIIIe siècle. La scène des portraits dans Le Misanthrope de Molière le montre d'ailleurs : on y trouve le mot également « caractères ». Le « caractère » s'apparente donc davantage à un blâme, plutôt qu'à un éloge, comme le sens étymologique de « caractère » le rappelle : marque distinctive posée. [...]
[...] Les effets de surprise et d'ambiguïté font du caractère une énigme. En effet, La Bruyère ne donne pas directement le défaut qu'il stigmatise : il ne lui donne pas son titre, comme les pièces de Molière (Le Misanthrope, par exemple), stimulant ainsi la curiosité du lecteur à l'instar d'un jeu de devinette. Il faut reconstruire les mauvais caractères de Cliton à travers l'exposition de son principal défaut : le glouton est aussi un égoïste, un vaniteux et un bavard. Enfin, ce portrait participe aussi à l'art dramatique : il donne à voir un Cliton qui s'agite sur la scène, le lecteur étant invité à participer au spectacle aux côtés du narrateur. [...]
[...] - Prénom « Cliton » situé une seule fois, mais position de force (premier mot du texte). - Négation restrictive dans la première phrase = forme de bilan, alors que le texte n'a même pas encore commencé, qui annonce la fin tragique du personnage (mort). - « dîner » : renvoie au premier repas pris dans la journée (en ancien français). - « deux affaires qui est » au lieu de qui sont : ces 2 activités absorbent tellement le personnage qu'elles ne font plus qu'une. [...]
[...] Conclusion : Le portrait comique de Cliton s'inscrit dans un cadre qui fait penser aux œuvres de Rabelais et de Molière à travers la dénonciation des excès de nourriture et des vices obsessionnels. Toutefois cette longue description est nuancée in extremis par un coup de théâtre qui révèle la mort du personnage. Notre extrait illustre donc la spécificité du portrait chez La Bruyère, avec une collection de gestes de parole, une accumulation de traits redondants, jusqu'à un effet final qui marque l'apogée du portrait, un trait d'esprit dont l'effet de clausule est nettement marqué. [...]
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