"Le fleuriste" est un extrait de l'article 2 de ce chapitre. Cet article est inauguré par une définition de la curiosité suivie d'une longue suite de portraits (l'amateur de fleurs, de fruits, de monnaies, d'insectes, de livres,...). Dans cet extrait, La Bruyère fait un portrait caricatural et satirique d'un collectionneur de fleurs soumis à la mode (...)
[...] Ainsi, vous le voyez planté et qui a pris racine traduit la plénitude et l'épanouissement du fleuriste. Par cette métaphore, La Bruyère le déshumanise : l'homme est devenu fleur et a abandonné la religion (ligne 9 : Dieu a été remplacé par la tulipe Par cette accumulation de détails, l'auteur souligne la folie du personnage. La dénonciation de l'effet de mode Collectionner les tulipes est, dans cet extrait, une passion qui met en jeu la mode du moment que l'auteur nous dévoile ligne 11 : quand les tulipes seront négligées, et que les œillets auront prévalu. [...]
[...] T E X T E Le fleuriste a un jardin dans un faubourg, il y court au lever du soleil, et il en revient à son coucher ; vous le voyez planté, et qui a pris racine au milieu de ses tulipes et devant la solitaire, il ouvre de grands yeux, il frotte ses mains, il se baisse, il la voit de plus près, il ne l'a jamais vue si belle, il a le cœur épanoui de 5 joie ; il la quitte pour l'orientale, de là il va à la veuve, il passe au drap d'or, de celle-ci à l'agathe, d'où il revient enfin à la solitaire, où il se fixe, où il se lasse, où il s'assit, où il oublie de dîner ; aussi est-elle nuancée, bordée, huilée, à pièces emportées, elle a un beau vase ou un beau calice ; il la contemple, il l'admire, Dieu et la nature sont en tout cela ce qu'il n'admire point, il ne va pas plus loin 10 que l'oignon de sa tulipe qu'il ne livrerait pas pour mille écus, et qu'il donnera pour rien quand les tulipes seront négligées, et que les œillets auront prévalu. Cet homme raisonnable, qui a une âme, qui a un culte et une religion, revient chez soi fatigué, affamé, mais fort content de sa journée ; il a vu des tulipes. Jean de La Bruyère, De la Mode Le fleuriste (extrait de l'article Les Caractères. Fleuriste : amateur de fleurs. Jargon de la botanique. À pièces emportées : aux pétales nettement découpés ; vase ou calice : section d'une fleur située sous les pétales. [...]
[...] Conclusion Le portrait caricatural et satirique du personnage à la mode parvient à le marginaliser et même à le déshumaniser. Le fleuriste se montre à l'opposé de l'honnête homme qui vit en harmonie avec ses semblables. Mais cet extrait est intemporel puisque même, et encore plus, de nos jours dans notre société mercantile et matérialiste, la profusion des moyens médiatiques incite en permanence à privilégier le paraître à l'enrichissement intérieur, consommation oblige ! [...]
[...] Outre un excès physique traduisant la manie du fleuriste, La Bruyère en utilisant le jargon botanique (à pièces emportées, vase, calice : lignes 7 et montre le désire du fleuriste d'impressionner et de paraître. Le personnage n'existe donc que par et pour ses fleurs. Il est réduit à son avoir, à son apparence extérieure et est soumis à la passion de la mode. La Bruyère dénonce les conséquences funestes de la curiosité en réduisant le fleuriste à l'avoir et à l'apparence. Il est victime de la mode. Pour le fleuriste, ne pas être à la mode signifie ne pas être du tout ! [...]
[...] L'auteur utilise ainsi la caricature pour en faire une satire morale. II- La dénonciation d'une tendance excessive Une personnalité névrotique Même si la terminologie est médicale, c'est bien de cette pathologie dont il s'agit. On est en présence d'un fleuriste maniaque pour qui le temps ne semble pas exister : il part au lever du soleil et revient à son coucher (manque de repères temporels), il oublie de dîner (ligne et n'ayant que le souvenir des tulipes et de leurs conséquences sensorielles. [...]
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