b- L'idée d'achèvement
- L'exécution de la peine capitale
De fait, l'exécution capitale doit permettre à Meursault de donner un sens à l'absurdité de sa vie, ce que le champ lexical de la fin souligne parfaitement : "la fin d'une vie" (ligne 8), "des vies s'éteignaient" (ligne 9), "Si près de la mort" (ligne 10), "que tout soit consommé" (ligne 16), "le jour de mon exécution" (ligne 17).
- La référence au décès de sa mère
Elle ouvrait le roman ("Aujourd'hui, maman est morte") et permet, de manière assez condensée ("Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un "fiancé", pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle", lignes 7 à 11) de revenir "au point de départ". Meursault explique ainsi pourquoi la vie et la mort de sa mère à l'asile de vieillards de Marengo ne doivent pas susciter de tristesse, comparant la vie à un jeu et se sentant finalement proche d'elle, notion soulignée par un parallélisme syntaxique ("Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre", ligne 12).
Mise en évidence par une sorte de focalisation suggérée par de nombreux repères temporels ("À ce moment, et à la limite de la nuit", ligne 5 ; "Pour la première fois depuis bien longtemps", ligne 7), cette fin ressemble pourtant à un début : "recommencer" (ligne 9), "tout revivre" (lignes 11 et 12), "je m'ouvrais pour la première fois" (ligne 14) et "souhaiter "(ligne 17). Dès lors, la mort de Meursault apparaît comme un nouveau départ (...)
[...] T E X T E [ ] Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi 5 comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. [...]
[...] Furieux contre ses paroles, il réagit violemment et l'insulte. Dans cet excipit, après son départ, il se calme et réalise qu'il est heureux, espérant, pour se sentir moins seul, que son exécution se déroulera devant une foule nombreuse et hostile. Un excipit traditionnel La solitude retrouvée du narrateur Cette exclusion des autres se manifeste par : - la mise en évidence par le rejet du pronom personnel de la troisième personne Lui en tête de la première phrase - l'omniprésence des marques de la première personne du singulier sujet (13 occurrences) et complément (15 occurrences), plus encore que dans l'incipit - les temps verbaux de l'introspection (passé composé et imparfait) - l'épuisement et le refuge dans le sommeil (à l'instar du trajet qui le mène à l'asile de Marengo dans l'incipit) : J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. [...]
[...] Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine. Albert Camus, L'Étranger, Deuxième partie, chapitre V (excipit). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Albert Camus (1913-1960) est un écrivain majeur de la première moitié du XXème siècle. Prix Nobel de littérature en 1957, son premier roman, L'Étranger, est publié en 1942. Avec l'essai philosophique Le Mythe de Sisyphe et les deux pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu, il prend place dans la trilogie du cycle de l'Absurde qui décrit les fondements de la philosophie camusienne. [...]
[...] Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un fiancé pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. [...]
[...] Loin d'être un homme qui entre dans le rang d'une certaine normalité, avant l'apaisement paradoxal, Meursault devient l'homme révolté que Camus évoquera plus tard : Le contraire du suicidé, c'est le condamné à mort (Le Mythe de Sisyphe), car le suicidé renonce alors que le condamné se révolte. Or, la révolte est la seule position possible pour l'homme de l'Absurde. D'une certaine façon, L'Étranger peut être rapproché de la biographie de Jean-Claude Romand, L'Adversaire, rédigée par Emmanuel Carrère. Soi-disant médecin à l'OMS, le personnage est connu pour avoir, en 1993, assassiné sa femme, ses enfants, ses parents et son chien, et tenté d'en faire autant à sa maîtresse, après avoir caché pendant dix-huit ans sa vie réelle à ses proches. [...]
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