a- Une scène simple
C'est une scène simple et fréquente dans l'oeuvre camusienne qui est décrite ici (c'était déjà le cas dans Noces, 1939, et ce le sera plus tard dans L'Été, 1954) : un bain de mer au port d'Alger (J'ai pris le train pour aller à l'établissement de bains du port, ligne 3). Elle rappelle les origines méditerranéennes de l'auteur et le souvenir de sa jeunesse au coeur d'une Algérie chaleureuse où dominaient la mer, le ciel et le soleil.
Au-delà de ce tableau élémentaire, l'extrait souligne un climat propice à la découverte sans pudeur du corps. Le bain est alors bien plus qu'une activité ludique. Il devient une véritable source intarissable de plaisir où le héros peut laisser son corps s'exprimer. Du reste, le narrateur lui-même cite à plusieurs reprises cette eau dans laquelle il "plong[e] dans la passe" (lignes 4-5). La motivation de Meursault (dont le nom, fruit des éléments, semble l'y prédisposer : "Mer" et "Soleil") est le plaisir donné par l'eau et le feu du soleil. Il n'est donc pas surprenant qu'il apparaisse bien plus à l'aise dans cet élément et contemple, lorsqu'il est sur le dos, le ciel ("J'avais tout le ciel dans les yeux et il était bleu et doré", lignes 11-12).
b- ... et érotique
Ce contexte est propice à la rencontre de Marie Cardona, une ancienne collègue ("J'ai retrouvé dans l'eau Marie Cardona, une ancienne dactylo de mon bureau dont j'avais eu envie à l'époque", lignes 4-5). Cette jeune femme est le double féminin de Meursault, tant par son attitude que par sa psychologie. Elle se laisse guider par ses pulsions et ses instincts. Peu farouche, elle se rapproche très facilement de lui, se laisse toucher quand il l'"aid[e] à monter sur une bouée" (ligne 7) ou lorsqu'il "effleur[e] ses seins" (ligne 7). Hédoniste, elle semble adorer, tout comme Meursault, les plaisirs naturels, le soleil et la mer (...)
[...] J'ai pris le train pour aller à l'établissement de bains du port. Là, j'ai plongé dans la passe. Il y avait beaucoup de jeunes gens. J'ai retrouvé dans l'eau Marie 5 Cardona, une ancienne dactylo de mon bureau dont j'avais eu envie à l'époque. Elle aussi, je crois. Mais elle est partie peu après et nous n'avons pas eu le temps. Je l'ai aidée à monter sur une bouée et, dans ce mouvement, j'ai effleuré ses seins. J'étais encore dans l'eau quand elle était déjà à plat ventre sur la bouée. [...]
[...] Cet extrait du chapitre II se situe juste après l'enterrement de la mère de Meursault. Ce dernier, harassé par le voyage à Marengo et la veillée funèbre, regagne Alger avec soulagement et dort pendant douze heures. Au réveil, le lendemain matin dimanche, prenant conscience que son patron lui a accordé deux jours de congé pour l'occasion, il décide de se rendre au port afin de se baigner. Pour Camus, c'est l'occasion d'évoquer les plaisirs des jeunes d'Alger et les bains de mer chers à sa jeunesse. [...]
[...] [ ] Albert Camus, L'Étranger, Première partie, chapitre II (La rencontre avec Marie). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Albert Camus (1913-1960) est un écrivain majeur de la première moitié du XXème siècle. Prix Nobel de littérature en 1957, son premier roman, L'Étranger, est publié en 1942. Avec l'essai philosophique Le Mythe de Sisyphe et les deux pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu, il prend place dans la trilogie du cycle de l'Absurde qui décrit les fondements de la philosophie camusienne. Roman étrange et polémique, il met en scène un personnage-narrateur, Meursault, vivant en Algérie française et qui, dans une narration proche de celle d'un diariste (l'analyse en plus), fait le récit de sa vie : employé de bureau sans histoire, les circonstances vont l'amener à commettre un meurtre et il va alors assister indifférent à son procès et à sa condamnation à mort. [...]
[...] Quand nous nous sommes rhabillés, elle a eu l'ai très surprise de me voir avec une cravate noire et elle m'a demandé si j'étais en deuil Je lui ai dit que maman était morte. Comme elle voulait savoir depuis quand, j'ai répondu : Depuis hier. Elle a eu un petit recul, mais n'a fait aucune remarque. J'ai eu envie de lui dire que ce n'était pas de ma faute, mais je me suis arrêté parce que j'ai pensé que je l'avais déjà dit à mon patron. Cela ne signifiait rien. De toute façon, on est toujours un peu fautif Le soir, Marie avait tout oublié. [...]
[...] Il faisait bon et, comme en plaisantant, j'ai laissé aller ma tête en arrière et je l'ai posé sur son ventre. Elle n'a rien dit et je suis resté ainsi. J'avais tout le ciel dans les yeux et il était bleu et doré. Sous ma nuque, je sentais le ventre de Marie battre doucement. Nous sommes restés longtemps sur la bouée, à moitié endormis. Quand le soleil est devenu trop fort, elle a plongé et je l'ai suivie. Je l'ai rattrapée, j'ai passé ma 15 main autour de sa taille et nous avons nagé ensemble. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture