Le titre indique l'ordre dans lequel le lecteur est censé lire le poème ; mais cela ne simplifie pas forcément la lecture de détail : il faut trouver le bon commencement créateur de sens (sans que les autres parcours et donc sens soient exclus : c'est le propre de la poésie moderne, de rendre la lecture interactive et d'ouvrir le poème à une pluralité d'interprétations).
I. LA MANDOLINE
La mandoline (cf déf) : il faut commencer par le haut de la partie droite qui jouxte le manche de la mandoline (lire)
1) Les échos entre la forme graphique et le sens :
On remarque un trait de dessin (le seul du poème) à droite, soulignant la forme de la mandoline, et des majuscules, surtout à droite et vers le milieu à gauche : cela crée un effet visuel de profondeur, pour mieux dégager la forme de l'instrument de musique. Mais les majuscules créent aussi du sens : elles rendent les paroles qu'elles écrivent plus importantes ; or le premier vers nous projette d'emblée dans le monde de la guerre : "Comme la balle à travers le corps" ; on dirait que le trait de dessin souligne la trajectoire de la balle, et qu'elle s'enfonce en même temps que l'écriture ; la suite oblige à lire de droite à gauche, ce qui est assez inhabituel ("le son traverse la vérité") ; on remarque des rimes internes ("travers, traverse") qui créent un rythme binaire et mettent en parallèle la balle et la musique de la mandoline ; le corps de la mandoline devient corps humain blessé (...)
[...] Son chant peut-il conjurer le monde ? (on remarque que le monde y est intégré dans sa cruauté : balle, traverse, tremble, batailles ; mais aussi transfiguré sous la forme d'une mandoline en danger. Bilan : la Terre/mandoline tremble des sons violents de la guerre au lieu de chanter l'amour (femme-poème) qui est aussi la raison, la paix, et donc un monde authentique (la vérité). II. L'OEILLET 1)la mandoline, instrument de musique propice à l'amour, est en quelque sorte l'introduction musicale du poème ; on glisse réellement dans l'univers féminin par la fleur (souvent métaphore traditionnelle de la femme : on reconnaît la fleur, la tige, les feuilles) et par le contenu qui comporte une énonciation lyrique traditionnelle que cet œillet te dise ; je préfère ton nez le je-tu amoureux : ici offrande d'une fleur et éloge du nez de la bien-aimée : là encore, il s'agit d'un topos traditionnel de la poésie amoureuse : le blason (éloge d'une partie du corps devenant métonymie de la femme aimée : cf XVI e s). [...]
[...] L'ensemble de l'idéogramme fait aussi songer à un œuf percé (fécondité tuée par la guerre ou à une montre dont les deux aiguilles sont sur minuit (heure fatale ou encore à la Terre, qui tremble à la suite de bombardements, au lieu de vibrer par les sons doux d'une chanson d'amour, dont la mandoline est la métonymie. Ainsi son de musique et son des armes se superposent en se confondant, dans un phénomène de surimpression qui annonce les techniques surréalistes. D'ailleurs la terre tremble comme une mandoline vers final de la strophe mandoline, qui s'éjecte à travers le manche : là encore vibration de la musique et secousses des bombardements se rejoignent. [...]
[...] TOUS LES INGREDIENTS DU MONDE EN PAIX (AMOUR, NATURE, POESIE), MAIS CHAQUE ELEMENT EST MINE ET INSTABLE (POSITION IMPOSSIBLE DE LA MANDOLINE, ECRITURE-FUMEE, FLEUR QUI TOMBE) IL EST A LA FOIS CLASSIQUE (THEMES LYRIQUES ET PROCEDES LYRIQUES) ET REVOLUTIONNAIRE PAR LA FORME ET LE FOND >>APOLLINAIRE A LAISSE UNE BOMBE LITTERAIRE A SA MORT, AMPLEMENT EXPLOITEE PAR LES POETES QUI L'ONT SUIVI, NOTAMMENT LES SURREALISTES. IL EST A L'ORIGINE DE LA POESIE MODERNE ET CONTEMPORAINE. [...]
[...] structure d'ensemble du poème ménage des liens entre les trois éléments, malgré leur apparente juxtaposition ; on observe une gradation : on passe du concret (son, parfum) à l'abstrait (lois de construction générales de l'univers), projet d'avenir mais aussi vision de la fonction de la poésie. II. BILAN une certaine vision du travail du poète et de la fonction de la poésie : le début du poème commence par le son, il continue par le parfum, et termine par le travail mythique (cf Vulcain dans la mythologie) de la transmutation du métal. Or pour Apollinaire la poésie sert à transfigurer le monde par le pouvoir magique des mots. [...]
[...] Guillaume APOLLINAIRE, Calligrammes, La mandoline, l'œillet et le bambou Rappel : calligramme = kalos : beau + gramma : lettre, dessin. Il s'agit donc de belles lettres de beaux dessins dont le thème est la paix ou la guerre, avec les implications sentimentales qui y sont liées (amitiés, amours en danger). Rappeler la structure de l'œuvre, et les différents types de poèmes qu'on y trouve. Ici : poème faisant partie des fac-similés reproduisant l'écriture cursive et les dessins à la main qui introduisent une autre plasticité et une dynamique tremblée absente de la typographie classique. [...]
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