Le recueil Calligrammes, publié en 1918, comprend des poèmes inspirés par la guerre, oscillant entre la passion amoureuse (Apollinaire dans les tranchées, était séparée de sa bien-aimée) et l'horreur ; le lyrisme élégiaque pleure à la fois l'amour en danger et la perte d'amis et de camarades. Apollinaire a divisé son recueil en 6 parties correspondant à l'ordre chronologique de leur écriture (de 1912 à 1917). "La petite auto" appartient à la seconde section, qui couvre la période allant de la déclaration de la guerre au départ d'Apollinaire pour le front, en avril 1915.La veille de la Première Guerre mondiale est une période artistique très riche : c'est la pleine période du cubisme, que les poètes suivent de très près, et Apollinaire, toujours à la pointe des innovations poétiques, a déjà eu l'idée de supprimer la ponctuation, ce que ses successeurs reprendront fort souvent. Dans Calligrammes, titre signifiant en grec "beaux dessins, ou belle écriture", il pousse l'audace jusqu'à mêler peinture et poésie, en disposant les vers de manière à former des dessins en rapport avec leur contenu (...)
[...] Ils décident de regagner Paris dans la nuit, s'apprêtant à partir en guerre. C'est cette expérience que retrace La petite auto titre déjà novateur en lui-même, puisqu'il insère dans un poème un objet issu de la technologie moderne. Problématique : nous allons voir comment la nouvelle façon d'écrire permet de mieux mettre en valeur un contenu tout aussi novateur. La fin du poème annonce d'ailleurs officiellement une époque / Nouvelle L'ACTUALITE DEVIENT SUJET POETIQUE Avec Apollinaire, l'actualité, la vie quotidienne, entrent en poésie. [...]
[...] Le déroulement temporel est indiqué également : un peu avant minuit entre minuit et une heure du matin (calligramme), après avoir passé l'après-midi (32). Des mots prosaïques et issus de la technologie moderne sont intégrés dans le poème : artères ferroviaires nos 3 phares, nous nous arrêtâmes pour changer un pneu qui avait éclaté (calligramme). Enfin, le dessin du calligramme représente bien une voiture : on y reconnaît la forme de profil, fluidifiée pour évoquer le mouvement, les deux roues, l'intérieur où sont assis les 3 voyageurs, le premier tenant le volant. [...]
[...] En effet, l'univers qu'évoque Apollinaire est marqué par le gigantisme. On observe un élargissement spatial dans les deux sens, vertical et horizontal : à la fois négatif (les abîmes, cf plus haut), et positif : les aigles quittaient leur aire attendant le soleil : le regard ne cesse de s'élever ; aigle et feu sont le symbole mythique de Zeus, le dieu suprême, mais aussi le symbole de la puissance militaire (enseignes romaines, nazies bien plus tard, lors de la 2e g mondiale) ; d'ailleurs les nations ou les chefs d'Etat sont présentés comme des géants debout, avec le mouvement ascendant du redressement : Des géants furieux se dressaient sur l'Europe ; ces géants font également penser aux dieux mythologiques qui jouent avec les hommes comme sur un échiquier (cf hauteurs inimaginables où l'homme combat / Plus haut que l'aigle ne plane : allusion à un destin supra-national ; l'incertitude de l'issue du combat fait alterner les mouvements ascendants et descendants et descend tout à coup comme une étoile filante : les revers des batailles sont parfois inattendus, malgré la gloire acquise) ; le thème du géant reprend avec l'image du marchand d'une taille prodigieuse et celui des bergers gigantesques : si les bergers menant des troupeaux muets font penser aux chefs de guerre, grandis comme des héros épiques, le marchand si riche opulence inouïe, étalage extraordinaire dont la taille semble dépasser celle des bergers pourrait bien être la mort, vendant ses armes aux plus offrant et se servant de la foule des peuples comme d'un matériau vivant, à consommer selon les besoins : le peuple paie toujours les efforts de guerre L'élargissement spatial se retrouve également sous forme horizontale, avec l'invasion par les armées de tout l'espace visible : ces armées qui se battaient / Je les sentais monter en moi et s'étaler les contrées où elles serpentaient invasions un étalage extraordinaire au premier degré de grands troupeaux muets L'image du serpent, maléfique, puis celle du troupeau muet fait penser au sacrifice obéissant des soldats, qui vont mourir comme des agneaux innocents, menés par des chefs qui ont des idées mauvaises, haineuses, alors qu'en fait, une guerre ne fait qu'opposer sans que le peuple sache toujours pourquoi : il n'a pas droit à la parole muet - des êtres qui se ressemblent : L'homme y combat contre l'homme (23). [...]
[...] Le désordre émotionnel des mobilisés se traduit par le mouvement tournant et un peu chaotique à la lecture du mot se hâtaient qui dessine le volant, dans le calligramme, ainsi que par l'interjection anaphorique O qui rappelle la majesté des tragédies antiques, d'autant plus que le rythme est encore une fois ternaire O »par correspondant aux têtes des trois personnages de profil. On retrouve également le regret déjà nostalgique de la vie qui s'en va : o nuit tendre d'avant la guerre L'ensemble crée un léger effet de pathétique, qui s'insère bien dans le registre tragique. Le registre fantastique, quant à lui, est suggéré par l'indication temporelle entre minuit et une heure du matin et par la personnification des phares. [...]
[...] APOLLINAIRE, Calligrammes : La petite auto Introduction Le recueil Calligrammes, publié en 1918, comprend des poèmes inspirés par la guerre, oscillant entre la passion amoureuse (Apollinaire dans les tranchées, était séparée de sa bien-aimée) et l'horreur ; le lyrisme élégiaque pleure à la fois l'amour en danger et la perte d'amis et de camarades. Apollinaire a divisé son recueil en 6 parties correspondant à l'ordre chronologique de leur écriture (de 1912 à 1917). La petite auto appartient à la seconde section, qui couvre la période allant de la déclaration de la guerre au départ d'Apollinaire pour le front, en avril 1915.La veille de la Première guerre mondiale est une période artistique très riche : c'est la pleine période du cubisme, que les poètes suivent de très près, et Apollinaire, toujours à la pointe des innovations poétiques, a déjà eu l'idée de supprimer la ponctuation, ce que ses successeurs reprendront fort souvent. [...]
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