Calligramme, Du coton dans les oreilles, Plupart du temps, Jour monotone, Pierre Reverdy, Guillaume Apollinaire, 1918, 1922, poésie, cliché élégiaque, pluie, mort, tristesse, guerre, tranchée, bataille, soldat, évanescence de la vie, écoute, silence, deuil
L'extrait du calligramme « Du coton dans les oreilles » d'Apollinaire est issu de la section « Obus couleur de lune » du recueil Calligrammes. C'est très clairement un poème de guerre (il fut composé dans les tranchées en 1916), d'autant plus que la section d'où il est issu décline le traumatisme de la Grande Guerre en transformant la violence des horreurs guerrières en beauté poétique. Cet extrait est l'une des deux parties idéogrammatiques du poème où se poursuit la quête du calme sous le feu des obus.
Le poème de Reverdy « Jour monotone » est issu du sous-recueil La Lucarne ovale (1916) dans Plupart du temps. C'est également un poème ayant été rédigé pendant la guerre, et en cela il est contemporain de celui d'Apollinaire. En revanche, dans ce poème, Reverdy poursuit la dynamique de son recueil en faisant de ses poèmes la recomposition poétique d'instants observés par le poète à travers la lucarne derrière laquelle il écrit ; une lucarne ovale et déformée donnant à l'oeil poétique un angle de vue singulier. L'impact de la guerre y est présent, mais seulement en toile de fond, en écho lointain, ce qui n'empêche pas la poésie reverdienne d'esquisser une mort beaucoup plus intime en réponse à celle de masse.
[...] Cette déliquescence est visible dans les rapports de cause à conséquence énoncés aux vers 1 et 2 : « À cause de l'eau, le toit glisse / à cause de la pluie tout se fond ». Mais l'évanescence de la vie se dit aussi par l'image florale hostile : « les épines », « vos mains sont ensanglantées ». Les couleurs sont aussi signifiantes : « des fleurs noires » = deuil, mort ; « rouges » = sang. De plus, l'image de la flétrissure est présente au vers 8 par l'usage surprenant d'un présent gnomique mensonger, « Les feuilles ne sont jamais vertes », qui semble nous dire que toutes les feuilles ont fané, laissant place à la mort victorieuse. [...]
[...] L'élargissement de l'injonction à un sujet pluriel (« écoutez ») dessine comme destinataires l'ensemble des lecteurs (toujours), mais aussi les « soldats aveugles ». Privés de leur vue, ceux-ci ne peuvent plus que guetter, impuissants, l'instant crucial de leur propre mort à travers la pluie qui semble les pleurer déjà. L'instant est dramatisé. Le silence est donc imposé pour introduire cette acmé dramatique d'avant la mort. REVERDY : Le silence n'est pas, contrairement à Apollinaire, imposé par la voix poétique. Il est suggéré par l'éclatement de la succession grammaticale de certains vers. [...]
[...] L'instant crucial de l'écoute : imposer le silence APOLLINAIRE : Apparente adresse du poète au lecteur par les impératifs « écoute » et « écoutez ». C'est donc un véritable appel au silence qui est ici exprimé, dans un but très clair de faire attention, c'est-à-dire de se focaliser sur les composantes sonores de l'espace poétique ici dessiné. Dans le décasyllabe en exergue en haut du poème, cet impératif se veut prise de conscience : la conjonction de subordination « si » et la répétition témoignent d'une incertitude dont on veut qu'elle se résolve et se précise. [...]
[...] Les chevaux de frise, morceaux de bois sur lesquels étaient accrochés des barbelés, et qui étaient utilisés lors des retranchements militaires, évoquent un instrument de mort douloureux et angoissant. De plus, cette empreinte de la mort se lit sur l'espace même de la page. En effet, nous pourrions lire cet idéogramme lyrique composé de vers à la verticale comme une vue aérienne des tranchées, des lignes de « chevaux de frise », ou encore comme la chute d'obus. L'espace de la page est un espace labouré. [...]
[...] La pluie prend alors une posture maternelle sans être textuellement personnifiée : en estompant le relief des soldats sur le champ de bataille (« confondez-vous avec l'horizon »), la pluie permet symboliquement un retour aux sources de la vie, un embrassement de la terre maternelle dans laquelle elle-même s'infiltre. REVERDY : Chez Reverdy, la pluie est certes moins présente textuellement, mais elle est davantage définie par la personnification : « On n'entend pleurer que la pluie ». Elle devient une figure compatissante vectrice de toute la puissance et la beauté élégiaque de la clausule. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture