Les cahiers de Douai, Vénus anadyomène, rimbaud, poésie, parodie, burlesque, Mythologie
Premier prix de vers latin au concours académique de 1869, l'élève Rimbaud connaît ses humanités. On n'est donc pas surpris de découvrir à la huitième place de son premier Cahier, recopié à Douai en 1870, un poème intitulé « Vénus anadyomène », littéralement « surgie des eaux », référence à la culture mythologique, sans doute acquise en classe de rhétorique auprès du professeur Izambard. Pourtant, si le topo repris par le poète et la forme traditionnelle du sonnet confirment la culture classique du jeune homme, le traitement y apparaît volontiers irrévérencieux.
[...] La pointe culmine avec la rime riche Venus/anus où se télescopent deux mots résolument antithétiques, dont le second vient subvertir la tradition et les codes du genre lyrique. Pétri de tradition classique tant par les formes qu'il reprend que le topos qu'il mobilise, ce sonnet aboutit finalement à affranchissement poétique. Au-delà de la provocation propre à son âge, Rimbaud invite par la réécriture à reconsidérer l'héritage artistique et travaille à redéfinir les limites du chant lyrique, dans une logique qui n'est pas sans rappeler Baudelaire. [...]
[...] Le corps qui se découvre progressivement a peu de choses à voir pourtant avec la déesse attendue, incarnation de la beauté et de la jeunesse. sonnet s'ouvre sur un rapprochement entre un cercueil et une baignoire qualifiée de vieille : les termes connotent la mort. En vertu de la comparaison et de l'hypallage (transfert d'adjectif), la représentation de Vénus se trouve subvertie et démythifiée. Elle ne sort plus d'une conque comme par enchantement mais est représentée dans une activité triviale, la toilette, presque mortuaire. position de contre-rejet, le mot tête apparaît comme coupé du reste du poème et du corps. [...]
[...] ??L'adverbe puis , repris anaphoriquement, manifeste la progression du portrait, non sans une certaine lourdeur, rendue sensible par l'allitération en dans gras et gris , larges , graisse . A nouveau, la prosopographie se segmente avec l'évocation du col , terme à connotation animale pour désigner le cou, si bien que chaque strophe s'apparente bien à une sorte de contre-blason. La partie du corps apparaît dévalorisée par l'insistance sur l'embonpoint avec gras , larges , rondeurs et graisse . Les propositions subordonnées relatives du vers 6 alourdissent encore l'ensemble et accusent la maladresse des mouvements réalisés par la femme. [...]
[...] ??L'image des feuilles plates , plis graisseux, souligne encore la matérialité du corps et confirme l'impression que ses parties paraissent douées d'une forme d'autonomie mécanique, voire monstrueuse. Explication linéaire : second mouvement terme échine désigne, chez l'animal, le dos. Impropre, le mot se charge aussi d'une nuance ironique avec le groupe adjectival un peu rouge : il s'agit d'une couleur pleine et primaire dont on peine à comprendre comment elle pourrait être atténuée. Faut-il y voir le signe d'une maladie ou d'ébats fiévreux ? Tout cela s'oppose à la représentation idéale d'une Vénus à la peau laiteuse et pure. [...]
[...] La vision rimbaldienne convoque une synesthésie, propre au dérèglement de tous les sens appelé un peu plus tard de ses vœux par le poète dans la Lettre du voyant . pronom indéfini du vers 11 confond le sujet lyrique et le lecteur, ce dernier mis en position de spectateur, de voyeur même. L'injonction impersonnelle il faut et l'expression lexicalisée à la loupe invitent à faire une observation scrupuleuse. Cela renvoie également au travail poétique de Rimbaud dont il s'agit d'analyser attentivement le langage et le lyrisme de la laideur. mot singularités renvoie à quelque chose d'unique voire d'exceptionnel. [...]
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