Les cahiers de Douai, Rimbaud, poésie, satire, parodie, ekphrasis, révolte
Étoile filante dans le ciel de la poésie, Rimbaud l'a traversé avec une si grande force qu'il a fini par être érigé en mythe et considéré comme le fondateur de la poésie moderne. Il serait le grand émancipé, dans la vie, et le grand émancipateur en matière littéraire. En rupture avec sa famille, hostile au catholicisme et abandonnant ses études alors qu'il est un brillant élève, il serait un « bateau ivre » qui a définitivement largué les amarres. Mais doit-on réduire le jeune poète à cette dimension ? Certains vers du Cahier de Douai relèvent certes d'une émancipation totale, aussi bien dans la forme que dans l'inspiration. Mais le recueil ne saurait s'abstraire totalement d'un ancrage régional (les Ardennes) et, surtout, littéraire (Hugo, Banville et le Parnasse), qu'il dépasse en y mettant sa touche personnelle, très originale il est vrai.
[...] Ce détail final est un pied-de-nez adressé aux Parnassiens qui louent la beauté parfaite. Rimbaud exhibe la laideur parfaite. Mais si la dérision est au service de l'émancipation, c'est pour déboucher sur une création totalement originale. Le vagabondage créateur Les poèmes les plus originaux, ceux où les modèles ne sont pas perceptibles, se caractérisent en effet par une sorte de renaissance. C'est alors le règne de la sensation. Le poème qui porte ce titre, Sensation donc, montre un corps en contact direct avec la Nature. [...]
[...] Cahiers de Douai - Rimbaud (1870) - Les Cahiers de Douai se caractérisent-ils seulement par l'émancipation ? Étoile filante dans le ciel de la poésie, Rimbaud l'a traversé avec une si grande force qu'il a fini par être érigé en mythe et considéré comme le fondateur de la poésie moderne. Il serait le grand émancipé, dans la vie, et le grand émancipateur en matière littéraire. En rupture avec sa famille, hostile au catholicisme et abandonnant ses études alors qu'il est un brillant élève, il serait un bateau ivre qui a définitivement largué les amarres. [...]
[...] Dès ce recueil, Rimbaud trouve sa voix. Reprenant à l'extrême la démarche hugolienne, il disloque encore davantage le grand niais d'alexandrin et, allant jusqu'à la vulgarité, il met un bonnet rouge au vocabulaire. En outre, ce n'est pas un hasard si les poèmes où il fait le mieux entendre sa nouveauté radicale sont ceux où il relate ses fugues. Rimbaud quitte les exercices d'école, il tourne le dos aux laideurs, dont il se moque, pour créer un monde où, en désaccord avec les Parnassiens, la beauté n'est ni froide ni figée, mais en lien direct avec la sensation. [...]
[...] Refusant le réalisme, Rimbaud y inclut deux personnages dérisoires. D'abord Dumanet, soldat qui vient d'une pièce des frères Cogniard, La Cocarde tricolore : épisode de la guerre d'Alger (1834). C'est un jeune conscrit fanfaron. Puis Boquillon, qui donne son nom à une revue antimilitariste La lanterne de Boquillon, dont Rimbaud s'amusait à reproduire les dessins. Il s'agit donc, par le biais d'une gravure fictive, de se moquer d'une victoire scandaleusement valorisée par les partisans de Napoléon III. On peut voir dans le sous-titre une indication malicieuse, une hypallage. [...]
[...] Le souffle évoqué est le souffle épique qui prend pour sujet l'humanité souffrante. Prenant l'éthos du justicier, Hugo, dans les Châtiments, s'acharne contre Napoléon III. C'est aussi le cas dans Rages des Césars . Hugo oppose l'agitation mauvaise des hommes à la beauté et au calme de la Nature. Rimbaud ne procède pas autrement dans Le Mal et dans Soleil et chair où il affirme l'immense splendeur de la riche nature (v. 113). Chez Hugo, le satyre représente le panthéisme. [...]
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