Le long poème en prose "Cahier d'un retour au pays natal", publié en 1939 et écrit par Aimé Césaire, s'inscrit dans une littérature antillaise, elle-même née dans un contexte de tensions. Cette première œuvre de Césaire, considérée comme l'un des textes fondamentaux de la négritude, met en scène un régionalisme certain : l'auteur s'emploie à célébrer sa culture d'origine, se positionnant comme la figure emblématique de l'île de la Martinique, tant dans le domaine littéraire que politique. Cet hymne sera réalisé suite à son retour sur son île natale, car il était parti en France, pour étudier, mais aussi pour fuir le sentiment de malaise qui l'habitait. Sa rencontre avec Senghor va être une véritable révélation, elle va jouer un rôle décisif pour sa vie future en lui permettant de trouver sa voie.
En quoi ce long poème d'Aimé Césaire traduit-il une progression spirituelle de la part de son auteur, une prise de conscience qui va aboutir à un engagement total et à une révolution dans le rapport entretenu entre hommes blancs et noirs ?
[...] Il se pose comme une autorité, parle au nom du peuple noir longtemps persécuté et le défend, même s'il a tendance à déformer quelque peu la réalité, notamment lorsqu'il fait référence à sa mère : sa famille était loin d'être dans le besoin, mais le fait de se présenter comme issu d'une famille modeste assoie sa parole, son éthos, il légitimise son action en se décrivant comme l'un d'entre eux. Au sein de sa seconde partie, Aimé Césaire semble s'engager personnellement, et reconnait ses torts passés. [...]
[...] Il dénonce aussi le fait que la France, empire colonial, ait utilisé le peuple noir comme main d'œuvre quand elle en avait besoin, mais ait ignoré sa détresse et nié son passé. En effet, les institutions directement rattachées à l'Etat ne semblaient pas décidées à diffuser une image positive des noirs. Elles se sont servies des noirs, sans pour autant leur témoigner du respect ou de la reconnaissance. Les Antilles ont ainsi peu à peu sombré dans l'oubli, commençant même à en oublier leur culture d'origine : le travail d'assimilation des blancs semblait faire son effet. [...]
[...] Il ne vit pas libre, mais dirigé. De cette situation vont naître des sentiments liés à la peur, à l'angoisse. Les hommes noirs souffrent tout d'abord d'un manque de nourriture comme l'atteste l'expression morne famélique Ils sont exploités, fournissent un effort physique considérable au quotidien et doivent pour cela descendre du morne pour rejoindre les usines de sucre installées au sein des plaines par les blancs. Par ailleurs, cette idée de douleur est reprise par les termes blessures, pansements et le sang est omniprésent. [...]
[...] Partant d'une réalité liée à la souffrance et à l'angoisse, il prend le contrepoids en se servant de ce passé comme d'une force, et en y puisant une énergie créatrice. En effet, prenant conscience de son inaction et de sa lâcheté, il va décider de s'engager totalement dans une lutte au nom de la culture noire oubliée, et va s'employer à établir un nouveau rapport entre l'homme et le monde qui serait synonyme d'harmonie. En réalisant cela, il s'impose comme une figure emblématique des Antilles, et se met au même niveau que les blancs, offrant ainsi une dignité nouvelle au peuple noir. [...]
[...] Il parle des cultures de cannes à sucre, de rhum, qui ne se sont pas réalisées sans dommage : c'est au prix de sacrifices humains que l'Europe a pu boire du rhum ou manger du sucre, elle a concrétisé des projets en acculturant une population. Toujours dans ce rejet d'exotisme, il explique que les noirs ne sont pas incultes comme ont tendance à le penser les blancs, et qu'ils sont pourvus de raison. Il s'oppose à l'idée d'une culture perçue comme archaïque, primaire, violente, et démontre que les noirs ne sont pas des bêtes brutes ils se sont efforcés de garder leur dignité même lorsqu'on les a réduits en esclavage. Vient alors une condamnation du colonialisme, mais aussi de la volonté d'assimilation des Antilles. [...]
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