Cahier de Douai, Rimbaud, Sully Prudhomme, Mythologie, Religion, catholicisme, parodie, paganisme, femme, beauté, Pascal
Excellent latiniste, Rimbaud avait traduit l'Hymne à Vénus, qui commence le poème philosophique de Lucrèce, De la nature des choses, en s'inspirant fortement, il est vrai, de Sully Prudhomme (1869). À son tour et à sa façon, le jeune poète célèbre la déesse, en convoquant également d'autres divinités de la mythologie. Mais, si l'année 1870 est « l'année des pastiches », il ne s'agit pas pour lui de se livrer à un brillant exercice de style et d'écrire seulement à la manière de Banville, même si ce poème a été envoyé, le 24 mai, au maître, avec pour titre « Credo in unam ». La mythologie antique est utilisée pour s'opposer au christianisme en parlant de la femme, et donc de l'amour.
[...] Cette brillance, qui est celle d'une épiphanie, est celle du « soleil » et sa « chair » elle-même est l'objet de variations chromatiques. Les couleurs du désir Vénus, Cybèle, Astarté sont les noms différents utilisés pour renvoyer à la fécondité, célébrée par le chatoiement des couleurs. Ainsi, Astarté se confond avec Vénus sortie des eaux : « [ . ] l'immortelle Astarté Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume, Montra son nombril rose où vint neiger l'écume, Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs, Le rossignol aux bois et l'amour dans les cœurs . [...]
[...] Après avoir mangé le fruit de l'arbre de la connaissance, ils couvrent leurs « pudenda » de feuilles de figuier, puis de peaux de bêtes (Genèse 20). L'Homme dévalorise son corps en proie aux « servitudes sales » (v. 54) : « il a sali son fier buste de Dieu » (v. 51). Avec cette religion chrétienne, l'Homme est voué à la saleté, alors qu'il était « chaste et doux » (v. 32). D'une certaine façon, Rimbaud inverse la proposition pascalienne : avec le Dieu chrétien, l'Homme connaît la misère. Or, les Pensées sont paraphrasées dans ce poème. [...]
[...] Enfin, Rimbaud reprend le terme de « Rédemption » (v. 74). Mais il ne s'agit pas du rachat des péchés par le sacrifice du Christ, mais du retour de Vénus : « Tu viendras lui donner la Rédemption sainte ». Plus de Rédempteur, mais une Rédemptrice. Le refus d'une religion doloriste Au lieu de voir dans le sacrifice du Christ un acte admirable effectué en faveur de l'humanité, Rimbaud le présente sous un jour sombre : « Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix » (v. [...]
[...] 154) pour Endymion, le « beau jeune homme blanc » (v. 159). Le mouvement est réduit à un baiser qu'elle « lui jette dans un pâle rayon » (v. 156). Un seul personnage n'associe pas dynamisme et beauté, « Héraclès le Dompteur » (v. 146). Dieux et déesses sont occupés à s'étreindre amoureusement. Par-là, Rimbaud signifie qu'il refuse le christianisme ennemi de la chair joyeuse (« ô splendeur de la chair . », v. 117) au profit d'un heureux paganisme à retrouver. Avec Héraclès il s'agit d'une autre étreinte. [...]
[...] Aux yeux de Rimbaud, il peut donc le remplacer sans difficulté. Si Rimbaud écrit parfois à la manière des Parnassiens, il va dans une direction différente. Ils célèbrent la beauté idéalisée, le jeune poète, lui, ne se limite pas à la beauté plastique, il chante la splendeur des corps associés à l'amour charnel. En cela il s'oppose à la morale bourgeoise et au christianisme. Pour faire l'éloge du paganisme et de ses dieux amoureux, il s'amuse à reprendre le vocabulaire chrétien, n'hésitant pas à blasphémer. [...]
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