[...]
Lockwood est conduit par la servante de la maison dans une chambre qu'elle décrit comme étrange. Après plusieurs cauchemars il se retrouve au centre d'une scène terrifiante : le surnaturel fait irruption par la fenêtre de la chambre. De quelle façon cette ouverture matérielle constitue un lien entre différents mondes et différents temps ? Cette fenêtre constitue-t-elle une frontière qui, si elle est ouverte, peut faire basculer le récit ?
Dans un premier temps nous verrons que ce passage repose sur une série de transgressions, puis l'intrusion du surnaturel qui se fait par l'ouverture que représente la fenêtre.
[...]
Dans le chapitre III, Lockwood reste dormir à Wuthering Heights et il est conduit par la servante du domaine qui prend l'initiative de l'installer dans une chambre vide. Enfermé dans cette pièce étrange, la fenêtre constitue le seul lien entre l'intérieur et l'extérieur ; c'est une cloison qui contient et sépare deux mondes différents. Emily Brontë s'amuse à briser les frontières, elle les ouvre avec humour grâce au personnage de Lockwood. En effet, il semble terrifié face à ces curieux phénomènes ; c'est le personnage le moins bien placé pour occuper le rôle de narrateur car il représente le citadin qui ne croit qu'en ce qui est rationnel. Il porte dans son nom le mot "Lock" qui signifie "fermé" en anglais, ce qui révèle la détermination de ce personnage à fermer les frontières. Lockwood représente le monde de la civilisation - il vient de la ville -, dans lequel il tente désespérément de se calfeutrer en dressant une barricade de livres (symboles de la culture et du rationnel) pour boucher les ouvertures sur l'extérieur (par lesquelles la nature et l'irrationnel tentent de s'engouffrer). La terreur quasi insoutenable du deuxième rêve de Lockwood repose sur cette opposition entre l'extérieur et l'intérieur, sur la conception du dehors comme l'origine de toutes les possibilités effrayantes et la source de tout ce qui est étranger. La plainte du fantôme de Catherine est lancinante : elle répète à trois reprises la phrase "Laissez-moi entrer !". Cet acharnement terrifiant montre la volonté de la créature surnaturelle de franchir la frontière et d'entrer dans le monde de Lockwood qui s'évertue à bloquer toutes les issues. L'épisode de la fenêtre se révèle être un combat, une lutte ; il représente une première transgression, celle des frontières (...)
[...] Les lieux où reviennent les morts sont des lieux intimes : le texte balance entre la mélancolie et le pathétique. Le thème de l'errance et la supplique faite à Lockwood participent de l'isotopie liée à la douleur et à la mélancolie. Le fantôme de Catherine est une âme en peine et rappelle ce thème évoqué par Baudelaire à travers son vers : «les morts, les pauvres morts ont de grandes douleurs La première impression que donne à ressentir le fantôme est de la pitié : c'est le spectre d'une enfant qui est malheureuse, perdue, errant sur la lande. [...]
[...] Le lien entre les deux mondes se fait avec des éléments invisibles : la voix, le bruit, mais également avec des éléments concrets, comme le passage de fluides corporels : les larmes du fantôme qui demande asile, son sang qui s'écoule à l'intérieur sur les draps, et le bras qui saisit le narrateur. Ce contact entre le narrateur et le fantôme de la petite fille ouvre une porte entre deux mondes. III / La fenêtre : un symbole d'aspiration impossible. Le fantôme de Catherine. La chambre est le lieu intime de l'enfance de Catherine. L'identité de Catherine est floue, elle est marquée par une hésitation : son fantôme est un enfant mais elle porte son nom de femme mariée. Catherine confie à Lockwood qu'elle erre depuis vingt ans sur la lande. [...]
[...] Lockwood pénètre dans un lieu interdit, une sorte de temple dédié à Catherine (c'est la chambre qu'elle occupait quand elle était enfant). Lockwood tente de se justifier auprès de Heathcliff de son cauchemar et des transgressions auxquelles il s'est livré (l'audace de feuilleter le livre, sa curiosité à lire les inscriptions sur la fenêtre et à pénétrer dans la chambre) en invoquant les transgressions dont a du faire preuve Catherine pour être damnée. Selon lui, elle a du être puni pour ses péchés et est condamnée à revenir sous la forme d'un fantôme, errant dans le domaine de son enfance. [...]
[...] La tristesse est ressentie à travers l'ambiance générale de la maison, même en dehors de la chambre hantée, Lockwood se trouve face au miaulement plaintif d'un chat. De plus, on remarque que la douleur est présente également chez le personnage de Heathcliff : il aime un fantôme, cet amour est donc impossible. C'est une séparation contre-nature, leur passion ne pourra pas être réalisée car ils appartiennent à deux mondes différents. Lockwood assiste au trouble d'Heathcliff : la recherche du contact frénétique de Catherine et son ton suppliant Viens ! viens ! Sanglotait- il sont l'écho d'une rupture douloureuse. [...]
[...] Ils participent tous les deux à l'isotopie de la lamentation et de la plainte. De même les soupirs de Heathcliff, en contraste avec le cri de Lockwood, se placent du côté du fantastique. Alors que Lockwood finit par rejeter cette hypothèse surnaturelle et l'attribue à un mauvais rêve, Heathcliff lui y croit et appelle désespérément le fantôme de celle qu'il a aimé. Le vent et la neige semblent lui répondre en s'engouffrant dans la chambre jusqu'à éteindre la bougie de Lockwood dans un effet dramatique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture