Britannicus, scène 2, acte II, Racine, Néron, Junie, sentiments contradictoires, déclaration d'amour
Britannicus est une tragédie en 5 actes et en alexandrins de Jean Racine, représentée pour la première fois le 13 décembre 1669 à l'Hôtel de Bourgogne. Fait notable, Britannicus est la première tragédie classique racinienne à puiser son inspiration dans l'histoire romaine, source de très nombreuses pièces de l'époque classique. Par la suite, Racine s'inspira largement de l'histoire romaine, par exemple en y puisant le sujet de sa pièce Bérénice. Dans de nombreuses tragédies raciniennes, la passion, qu'elle soit amoureuse ou politique, détruit des personnages pourtant tout-puissants, qui tentent de lutter contre elle ; le plus souvent, cette trame est mêlée à une intrigue politique. En outre, Racine applique dans ses pièces le principe aristotélicien de catharsis des sentiments, en jouant à la fois sur la terreur et la pitié. Britannicus n'échappe à la règle : la scène 2 de l'acte II constitue un dialogue en alexandrins et en rimes suivies, entre Néron et Narcisse, le gouverneur de Britannicus son frère, qu'il a écarté du trône. Néron vient d'enlever Junie, amoureuse de Britannicus, de qui il tombe amoureux.
[...] C'est en même temps un personnage craint et estimé. De plus, les vers 409 et 410 Quoi ? Seigneur, croira-t-on qu'elle ait pu si longtemps se cacher à Néron ? constitue un modèle de flatterie. Narcisse montre en effet dans ces deux vers tout le talent de courtisan dont il est capable, puisqu'il insiste ici sur l'idée que personne ne peut se cacher de Néron, tant en raison de sa puissance qu'en raison de son charme. On pourrait lire en filigrane une critique adressée aux courtisans, juste bons à flatter l'égo du roi. [...]
[...] Tandis qu'on cherche traditionnellement à plaire à l'être aimé, à le satisfaire, Néron prend un plaisir évident à voir pleurer Junie, pleurs dans lesquels il voit une raison supplémentaire de l'aimer. C'est donc une relation sado-masochiste dans laquelle l'amour de Néron est tel qu'il n'est même plus capable de prendre conscience de la douleur qu'il produit. Ses pleurs n'ont plus d'importance ; c'est un détail qui s'efface derrière la beauté de Junie. L'amour que Junie refuse à Néron peut décelée au vers 391, lorsque Néron évoque la négligence de Junie. Le terme a au temps de Racine un sens de nonchalance, d'indifférence. [...]
[...] et Vous l'aimez auxquelles Néron ne prend même pas la peine de répondre. En un certain sens, on peut donc dire que cet extrait constitue un monologue, dans lequel le personnage de Narcisse s'efface devant Néron. La domination de Néron se retrouve dans le texte. Narcisse l'appelle ainsi Seigneur terme qui peut aussi bien renvoyer au gouverneur qu'à Dieu. Il peut donc s'agir d'un blasphème permettant à Narcisse de vanter la personne de Néron en le plaçant au rang d'une divinité. [...]
[...] En apparence, Néron semble dominer Narcisse aussi bien que Junie. Mais en réalité, ne pouvons-nous pas voir dans ce texte, inscrit en filigrane, un complexe jeu de pouvoir où Narcisse a le rôle du parfait servant, et Junie un rôle sadique ? Comme nous avons pu le voir, la supériorité et la domination de Néron sont ici en partie remises en question dans la mesure où il semble particulièrement affecté par le refus de Junie de s'offrir à lui. Or, les sentiments de Néron sont en fait partagés entre un amour sans limites pour elle et une haine tout aussi égale, l'un ne faisant qu'augmenter l'autre et inversement ; d'où un subtil jeu entre sadisme et masochisme. [...]
[...] À partir du vers 387, Néron fait le récit de la nuit passée. Cette scène constitue en fait une hypotypose, durant laquelle le cadre spatio-temporel est donné cette nuit ; en ces lieux De plus, Néron utilise un imparfait avec une valeur de description : ses yeux brillaient ; ses fiers ravisseurs relevaient Cette hypotypose permet de faire la description d'une scène que les spectateurs n'ont pas vue, mais décrite de telle façon que les spectateurs aient l'impression de la vivre en direct. [...]
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