Jean Genet, Dramaturge du XXe siècle c'est-à-dire de l'après-guerre, est l'auteur de plusieurs pièces plutôt mal accueillies par le public et la critique, car jugées malsaines. Comme ses contemporains auteurs de théâtre de l'absurde comme S. Beckett ou E. Ionesco, il s'agit là d'une réaction aux horreurs et à la vanité de la guerre qu'ils ont vécue. Dans Les Bonnes, publié en 1947, il met en scène un fait divers : l'assassinat d'une jeune femme de la haute société par sa bonne. Ici, les bonnes sont deux sœurs : Claire et Solange, et se défont petit à petit de la domination de leur maitresse. Si cette rébellion prend tout d'abord la forme de singeries, les deux femmes iront jusqu'à projeter un meurtre. Dans l'extrait étudié, Claire est encore réduite à l'état de servitude, mais tente de faire boire une tisane empoisonnée à Madame. Celle-ci, tirée dehors par la libération de son mari, échappe à la mort.
[...] Ainsi laissées seules et désespérées, Claire et sa sœur Solange reprennent leurs actes initiaux de rébellion : Solange joue Claire et Claire joue Madame. L'illusion est si parfaite que Claire boit le tilleul empoisonné et meurt suicidée, contrecarrant de façon irréversible son projet originel. [...]
[...] En effet, à la ligne 16, Claire se permet une recommandation (l.17) : Madame prendra bien un peu de tilleul qui répétée trois lignes plus basses : Un peu seulement et appuyée par le point sus-cité, est la preuve de l'insistance dont Claire fait preuve. Enfin, la construction de la dernière réplique participe à l'effet de tension : elle commence et finit par le triple exclamatif Madame est bonne ! Madale est belle ! Madame est douce ! Ce cycle évoque une situation entêtante, difficile et dont la seule issue est radicale : la mort. [...]
[...] Claire pousse la soumission jusqu'à s'inquiéter auprès de Madame de la suffisance de ses actes : Madame n'est pas satisfaite du service ? (l.14.) Si cela ressemble à la crainte de ne pas remercier convenablement les bons actes de Madame, on peut également y voir la promesse d'un excès de zèle à venir . En effet, à travers l'apparente soumission de la bonne transparaît une certaine aigreur. Celle-ci prend peu à peu la forme d'une rage qui se révélera fatale. [...]
[...] Tout d'abord, nous constatons que la situation entre Madame et sa bonne se veut classique, autrement dit elle au premier abord, l'allure d'une relation entre dominant et dominé. À la ligne le polyptote Je suis servie par les servantes les plus fidèles permet la mise en exergue de cet état de servie ou de servante dans lequel se trouvent les deux protagonistes. Physiquement, le théâtre permet à l'auteur de manifester ce rapport de domination par le comportement des deux protagonistes. [...]
[...] En effet, dans ses apartés, elle dénonce l'hypocrisie dont Madame fait preuve et l'injustice de la situation. Ainsi, aux lignes 28 à 31, la bonne enchaîne les antithèses : Madame nous tue avec sa douceur et les oxymores : fleurs fanées Au contraire, à la ligne Madame exprime la bonté sinon l'amour qu'elle a su témoigner à ses bonnes : Que n'ai-je pas fait pour vous Son hypocrisie n'a d'égal que sa perversité : à la ligne 32, Claire raconte comment, sous couvert de confidences, elle les fait souffrir : Madame nous parle de Monsieur à nous faire chavirer Cette hyperbole n'en permet pas moins de dénoncer, en faisant le lien entre la personnalité physique et psychique des bonnes, le malheur qu'elle leur souhaite. [...]
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