Selon l'habitude de Bergson, le texte est rédigé dans un style limpide. Il ne présente pas de difficulté terminologique majeure.
Néanmoins, il conviendra, dans le cours de la copie, de définir brièvement « langage », « conscience » ou « besoin », mais en principe, ces termes examinés dans le cours ne devraient pas poser de difficulté majeure (...)
[...] Vache réfère à la forme générale d'une grosse bête placide pourvue de cornes, apte à produire du lait ; mais vache ne nous renseigne pas du tout sur la couleur ou la disposition des taches de Marguerite ou de Roussette, ni sur leur âge, leur vécu etc. Comprenons bien. Marguerite et Roussette sont toutes deux des vaches : le rapprochement entre elles se justifie pleinement car elles présentent de nombreux caractères communs ; mais Marguerite et Roussette, chacune de leur côté, sont aussi beaucoup plus que cela. Par exemple, Marguerite se brisa la jambe jadis : elle en garde une légère claudication, imperceptible pour nous, mais bien visible pour l'éleveur. [...]
[...] Averti de ce détail, l'éleveur distingue sans peine Marguerite de Roussette ; mais nous, simples observateurs, ne voyons pas ce qui distingue Marguerite de Roussette : pour nous, elles sont seulement deux vaches Le recours au nom commun s'analyse donc bien comme une ignorance des détails mieux, comme une cécité quant aux détails ; le langage, alors, entérine par l'usage des noms communs une simplification déjà opérée par la conscience. Il la renforce. Aussi aggrave-t-il notre écart avec le monde, en le réduisant à son aspect commun, habituel, banal, utilitaire, standard. [...]
[...] Ne sont-ils pas, ces efficaces imbéciles plus à plaindre qu'à blâmer ? Du reste, n'oublions pas que nous aussi, nous utilisons ce langage approximatif ; que nous aussi nous avons tendance à l'action ; que nous aussi nous nous réfugions volontiers dans les simplifications abusives et dans les solutions de facilité (et d'ailleurs, la distinction esquissée à l'instant entre homme d'action et contemplatif n'est-elle pas elle- même une simplification abusive Aussi l'auteur achève-t-il sur un constat quelque peu navrant, livré sur un ton teinté de regret : nous vivons [ ] extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes : et dans ce constat passe mais c'est à peu près tout ce que peut se permettre Bergson une subtile invitation à la découverte d'un monde, d'un moi et d'un langage plus authentiques : ceux de l'intériorité. [...]
[...] Nous voilà donc condamnés à toujours regretter l'insuffisance du langage, et à nous amputer nous-mêmes de ce qui fait notre plus profonde originalité, notre personne, en recourant, à contrecœur, à ce langage impersonnel Troisième partie Double drame de la condition humaine, double malheur inévitable, et double aliénation, produits par les mêmes causes : non seulement la conscience et le langage nous éloignent du monde, mais encore ils nous éloignent de nous- mêmes : jusque dans notre propre individu, notre individualité nous échappe Sentence terrible ! Du fait même que nous recourons au langage pour désigner les choses, celles-ci se dérobent à nous. [...]
[...] Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais, le plus souvent, nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu'il est à peu près le même dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. [...]
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