Commentaire composé du chapitre 3 (Le comique de caractère) issu de Le Rire de Bergson.
[...] Et c'est l'action elle- même qui, pour être accomplie, suppose que certaines conditions soient remplies. Cependant, l'action pour vivre exige une sélection par l'utile. En effet, lorsqu'il s'agit d'effectuer une version latine, je n'ai certainement pas besoin de connaissances en mathématiques ; inversement, résoudre une équation n'implique pas de recourir à un dictionnaire. Chaque situation n'appelle qu'un certain nombre de connaissances, qui doivent être retenues parce qu'elles sont utiles, tandis que d'autres, inutiles, peuvent être sans aucun risque écartées. Dans l'action, il en va de même : il s'agit d' appréhender les choses dans le rapport qu'elles ont à nos besoins Lorsque j'ai besoin de manger, je n'appréhende des aliments que certains aspects (je n'ai pas besoin, par exemple, de penser aux gestes du boulanger qui a cuit le pain). [...]
[...] Toutefois, l'art, délié des exigences de l'action, pourrait reprendre contact avec le réel. C'est dans un tel contexte que le privilège rapidement reconnu à l'artiste et au poète mérite d'être évoqué. Contrairement au commun des hommes, ils ont, d'après ce qu'en dit brièvement Bergson ici, de ne pas être trop soumis au voile qui s'interpose entre l'homme et le réel. En d'autres termes, il leur est possible d'avoir un accès plus direct à la réalité, dans sa diversité qualitative et sans tenir compte de la sélection entraînée par le principe d'utilité. [...]
[...] Les choses présentes, pour mes sens ou ma conscience, varient en fonction des circonstances. Lorsque je dois prendre un autobus, je ne m'intéresse, parmi les différents panneaux présents le long du trottoir, qu celui qui indique l'arrêt des autobus. D'une situation à une autre, c'est le principe d'utilité, et donc la sélection, qui varie. Et il en va de même dans ma vie intérieure selon que je suis impatient, amoureux, en colère ou calme : dans ma conscience affleurent des potentialités différentes, qui sont toutes miennes mais dont j'ai rarement besoin simultanément. [...]
[...] Pour Bergson il est victime d'une double illusion, mais cela ne signifie pas qu'il en soit responsable. En effet, sa première tâche est sans doute de vivre, et si l'on affirme que vivre consiste à agir il est clair que c'est par rapport à l'action que l'individu doit d'abord être informé. C'est précisément le rôle des sens et de la conscience, qui sélectionnent, dans le réel, les seules données qui nous soient utiles. Sans doute sommes- nous ainsi empêchés, à l'exception de l'artiste ou du poète, d'avoir accès à la totalité du réel, mais au moins sommes-nous préparés à répondre efficacement à ses exigences. [...]
[...] sans sélection, pas d'action, et sans action, pas de futur ou de maintien de l'existence : on voit mal dans ces conditions comment on pourrait déplorer le manque d'exhaustivité des informations que nous privilégions. Cependant, la sélection nous éloigne de la connaissance du réel. Ce n'est donc que si l'on abandonne un peu les conditions nécessaires à l'action pour se préoccuper de la qualité de la connaissance que nous pouvons prendre du réel, que l'on semble en droit de déplorer le caractère incomplet de cette connaissance. [...]
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