Henri Bergson, "Art et philosophie"

Résumé du document

La connaissance esthétique serait, selon Bergson, "une certaine manière virginale de voir, de sentir, de penser".

Parce qu'elle est désintéressée, elle nous découvrirait la réalité telle qu'elle est, en écartant le rideau des préoccupations et des conventions qui d'ordinaire nous la masquent (...)

Extraits

[...] Bergson, dans le texte qui nous est donné à étudier, semble justement vouloir mettre en valeur ce lien, mais aussi la différence fondamentale qui s'établissent entre la philosophie et l'art, en comparant ces deux notions, basant son raisonnement sur le point de vue de l'artiste sur ce qu'il appelle la réalité. Ceci constitue une approche originale, certes, mais risquée; c'est pour cela que nous serons amenés à nous interroger sur les fondements des propos tenus, puis de mesurer l'intérêt philosophique que cette comparaison fait apparaître. Développement Bergson a consacré de nombreuses pages de son œuvre à exposer ou à préciser la conception qu'il se fait de la philosophie. Pour la donner à bien comprendre, il compare l'attitude foncière du philosophe à celle de l'artiste dans le passage que nous étudions. [...]

[...] Il met conjointement en évidence un mode de rapport de la pensée au réel que toute l'histoire de la philosophie a tendance, jusqu'à nos jours, à méconnaître, celui de l'intuition. Le philosophe passe pour être un esprit raisonneur, fabriquant de concepts grâce auxquels il modélise la réalité, en échafaudant des théories qui sont sensées en rendre compte. N'est-ce pas oublier la source à laquelle puise la pensée conceptualisatrice elle-même, celle d'un contact immédiat de l'esprit avec la réalité telle qu'elle se donne à appréhender sans a priori, sans préjugés, qui la dérobent ordinairement à notre regard ? [...]

[...] Ce commentaire de texte sur Art et philosophie de Bergson a été rédigé par une élève (commentaire complet). Texte étudié philosophie n'est pas l'art, mais elle a avec l'art de profondes affinités. Qu'est-ce que l'artiste? C'est un homme qui voit mieux que les autres car il regarde la réalité nue et sans voile. Voir avec des yeux de peintre, c'est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous regardons un objet, d'habitude, nous ne le voyons pas; parce que ce que nous voyons, ce sont des conventions interposées entre l'objet et nous; ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre, pour la commodité de la vie. [...]

[...] Après Platon, qui voyait dans la pensée une vision de l'âme, Aristote disait déjà: " les hommes désirent naturellement savoir; ce qui le montre, c'est le plaisir causé par les sensations, car, en dehors même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et, plus que toutes les autres, les sensations visuelles." Un auditif pourrait tout aussi bien considérer, sans rien trahir de la pensée de Bergson, que l'artiste est un homme qui entend mieux que les autres car il écoute la réalité dans le silence et sans bruitage. Et il pourrait évoquer le musique en se disant qu'écouter avec des oreilles de musicien, c'est écouter mieux que le commun des mortels . En pensant plus particulièrement au peintre, Bergson vient d'affirmer que "l'artiste voit mieux que les autres". Il va le démontrer. Il le fera à la manière de Platon décrivant le cheminement du philosophe au livre VII de la République . [...]

[...] Le fait qu'il pose, dans la phrase suivante, la question de savoir ce qu'est l'artiste manifeste son intention, qui est d'amener le lecteur à s'intéresser au regard que porte le philosophe sur le monde . C'est dans ce but qu'il le compare à l'artiste, en soulignant la qualité exceptionnelle de son regard. Bergson n'a nullement l'intention de gommer la spécificité des deux approches, philosophique et artistique, de la réalité. Il ne veut pas davantage en faire deux activités corrélatives, ce qu'elles ne sont manifestement pas, le philosophe et l'artiste travaillant chacun de leur côté. [...]