Commentaire linéaire de l'Acte I scène 5 de Bérénice, Racine, de « Le temps n'est plus, Phénice, où je pouvais trembler. » à « Inspirent des transports retenus si longtemps. ». Nous analyserons à la fois la peinture élogieuse de Bérénice pour son amant et l'angoisse latente de la reine qui transparaît dans cette tirade.
[...] Commentaire linéaire de l'Acte scène 5 de Bérénice, Racine, de Le temps n'est plus, Phénice, où je pouvais trembler. à Inspirent des transports retenus si longtemps. Bérénice de Racine, pour la première fois représentée en 1670, met en scène la réunion impossible de la reine de Palestine avec le nouvel empereur de Rome, Titus. Une passion pourtant partagée entre les deux amants mais contrariée par la raison d'état qui interdit qu'une reine, non romaine, partage le mariage avec un empereur romain. [...]
[...] Ces deux vers sont parallèlement le début d'une vibrante déclaration de la passion animant Bérénice. L'isotopie hyperbolique de la magnificence de Titus, splendeur tout pleins de sa grandeur associée à son éclat naturel que renforce la diérèse sur nuit témoigne de l'admiration qu'elle porte pour son amant, qui semble briller dans le cœur de la reine. L'épitrochasme des vers suivants Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous, de mon amant empruntaient leur éclat témoigne à la fois de l'inquiétude et de l'amour, de l'admiration de Bérénice pour Titus. [...]
[...] La tirade de Bérénice nous invite à ressentir la partie invisible de tout acte d'énonciation, à savoir sa motivation. Si dans son contenu, la reine déclare son amour pour Titus en le peignant de ses plus beaux atours, cette peinture élogieuse de son amant actualise dans le même temps la présence de ce dernier à un moment où elle pressent que l'amour de l'empereur pourrait disparaître, révélant une inquiétude qu'elle cherche à refouler. Les quatre premiers vers de la tirade de Bérénice témoignent de cette angoisse latente, qu'elle exprime presque inconsciemment dans le but de l'apaiser, de la rendre moins vivante que dans les murs oppressants de l'esprit. [...]
[...] L'angoisse de Bérénice n'est alors plus intérieure et inconsciente, mais extravertie. Le dernier vers Inspirent des transports retenus si longtemps où l'adverbe intensif si marque une passion qu'elle veut libérer, témoigne d'une volonté de conjurer le sort et de rejoindre son amant. La tirade de Bérénice est un véritable plaidoyer de l'amour qu'elle porte pour Titus. A travers ses paroles se dessine le portrait élogieux de l'empereur mais aussi en filigrane l'expression d'une angoisse qu'elle cherche à annihiler. La conclusion de l'acte en introduit ce qui sera le fil tragique de l'œuvre, les amours contrariés des deux amants. [...]
[...] La tirade de la reine s'ouvre ainsi sur une antithèse temporelle, Le temps n'est plus, Phénice, où je pouvais trembler signalant ici le rejet d'un quelconque doute sur les sentiments de Titus qu'elle ne permet dorénavant plus de s'immiscer dans son âme. La brièveté, la rupture dans l'écoulement syntaxique logique du vers provoquée par la position à l'hémistiche du nom de sa confidente confèrent à la déclaration de Bérénice une dimension sentencieuse, d'un présent de vérité générale renversant tout tourment, refoulant toute pensée pouvant la troubler dans son amour éperdu pour l'empereur. [...]
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