Dans notre extrait Antiochus paraît : Titus a souhaité qu'il soit témoin de la sincérité de sa passion pour Bérénice et l'invite à les juger tous deux. Le roi de Comagène, persuadé que les amants sont réconciliés, avoue alors l'amour qui fait de lui un rival de l'empereur. Bénissant leur union, il leur offrira à tous deux sa mort en gage de bonheur. Bérénice refuse ce sacrifice, comme celui de Titus, et leur oppose sa propre renonciation, dictée par un sens tragique du devoir dont son amant, comme son rival, lui ont fourni l'exemple.
Le désespoir dont la reine veut ainsi conjurer l'image obsédante, s'il change de nature, n'en est pas moins intense. D'espoir en l'hyménée, Bérénice ne nourrit plus d'espoir et c'est par ce deuil qu'elle commence son propos. La portée tragique de la scène s'exprime d'abord dans le ton utilisé par Bérénice qui n'a rien de larmoyant, mais affirme au contraire la volonté de décider à présent de son destin. Son discours témoigne de son assurance nouvelle.
[...] ou encore des régnez vivez réglez portez ne suivez pas qui ponctuent ses phrases. Notons encore le présent des verbes de la volonté ou de la connaissance qu'elle utilise Ce n'est pas tout : je veux je puis dire je connais La double objurgation de premiers vers de sa tirade, Arrêtez, arrêtez ! cristallise à elle seule le geste de Bérénice. Première des héroïnes tragiques raciniennes à rompre le cercle fatal de la mort et du sang versé, elle instaure un langage absolument nouveau dans l'univers du théâtre tragique, en élevant son renoncement au statut d'exemple universel. [...]
[...] D'espoir en l'hyménée, Bérénice ne nourrit plus d'espoir et c'est par ce deuil qu'elle commence son propos. L'acceptation de son destin La portée tragique de la scène s'exprime d'abord dans le ton utilisé par Bérénice qui n'a rien de larmoyant, mais affirme au contraire la volonté de décider à présent de son destin. Son discours témoigne de son assurance nouvelle. S'adressant aux deux hommes, puis séparément à Titus et à Antiochus, elle ordonne ses paroles d'une manière rigoureuse. Ainsi en est-il de l'utilisation de l'impératif de départ : Arrêtez, arrêtez ! [...]
[...] Alors que l'héroïsme cornélien consiste à choisir librement la gloire qui grandit, en lui sacrifiant l'amour, dans Bérénice de Racine on presse que le triomphe, imposé par les forces supérieures sera essentiellement moral et coïncidera avec un renoncement à soi-même. La contradiction se fait alors insurmontable, mais c'est ce qui est la marque absolue du tragique. [...]
[...] Enfin, il s'exprime encore par l'atténuation du vers formule Adieu. Servons tous trois d'exemple à l'univers qui est quelque peu édulcoré par : De l'amour le plus tendre et la plus malheureuse Dont il puisse garder l'histoire douloureuse . au service d'un amour accompli Si cette tonalité élégiaque, semble-nous ramener à la tragédie de larmes à laquelle certains voudraient réduire la pièce, en réalité parce qu'elle vient en complément de la dimension tragique de la scène finale, elle est l'expression d'un amour qui est sublimé. [...]
[...] Il est celui d'un amour éternel et celui qu'incarne Rome, c'est-à-dire les dieux, le devoir, la grandeur. Comprendre ce dépassement c'est rendre compte de la spécificité de la tragédie racinienne : Le génie de Bérénice est de faire de cette acceptation une décision volontaire et de son obéissance à Titus un acte délibéré. Le Je vivrai résonne comme un refus altier du suicide, mais implique surtout une acceptation d'un sort plus douloureux encore : la vie tragique loin d'un amant à jamais éloigné Régnez, je ne vous verrai plus Si le moment est par elle qualifié de funeste, ce n'est pas qu'il marque la fin d'un amour, donné comme éternel, mais bien le deuil de sa réalisation intramondaine et l'entrée dans la sphère tragique de la vie. [...]
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