Bérénice, acte V, scène 7, Racine, 1670, discours final, tension dramatique, la grande amoureuse, héroïsme
Dans l'ultime scène de Bérénice de Racine, le trio héroïque (Bérénice, Titus et Antiochus) est réuni pour la première mais également la dernière fois.
Le dénouement de la tragédie est rapide et inattendu : en effet, alors que la pièce semblait tendre vers une fin particulièrement funeste, Bérénice prends la parole et s'adresse à Titus et Antiochus.
Le cours de l'intrigue change : la reine de Palestine a décidé de quitter Rome, alors même qu'elle est renvoyée.
Ce retournement de situation permet à l'héroïne de mettre la violence tragique à distance en témoignant d'un héroïsme exemplaire.
Cette tirade finale peint Bérénice en une amoureuse qui accède à la grandeur tragique.
[...] De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse v.1503 marque la tension entre la tendresse et le malheur de cet amour par sa construction en parallèle. Ces deux sens associés sont créateurs de la situation tragique comme le prouve le vers 1504 : Dont il puisse garder l'histoire douloureuse. Bérénice se pose en modèle pour Antiochus, elle l'engage à suivre sa démarche. Cela implique l'abandon de la primauté de ses sentiments au nom de l'exemplarité. Cette invitation est tragique et noble. [...]
[...] L'utilisation des termes dernier effort couronner et absolus illustre que son choix est un sacrifice ultime d'une grande force, mais aussi d'une grande tristesse. Le dernier vers du paragraphe adressé à Titus : Adieu, seigneur, régnez : je ne vous verrai plus. souligne l'opposition entre l'exercice du pouvoir et l'amour. Le verbe régnez se trouve à la césure suivie de deux-points, la deuxième partie de l'hémistiche est alors une conséquence directe de ce verbe. La troisième partie de la tirade de Bérénice s'adresse à Antiochus, mais nous pouvons l'envisager à un plus large sens s'adressant à l'humanité. [...]
[...] Les nombreuses marques de son amour absolu confirment ce propos. Elle souligne dès le premier vers adressé à Titus son amour et la connaissance que l'empereur a de celui-ci : Mon cœur vous est connu v.1475. La consécration politique n'a aucune importance pour Bérénice. Elle sépare complètement ces deux sphères qui se sont confrontées durant toute la pièce. Elle place son amour au-dessus de l'attrait du pouvoir : La grandeur des Romains, la pourpre des Césars //N'a point, vous le savez, attiré mes regards. [...]
[...] Nous pouvons penser que cela est pour illustrer l'effet de ce tragique sacrifice qui ne touche pas que l'héroïne. Finalement la menace d'un triple suicide laisse place à la générosité de Bérénice, soutenue par la certitude d'être sincèrement aimée et la fierté de se dévouer. Sa tirade, principalement destinée à Titus, traduit la parole d'une amoureuse qui préfère finalement le devoir à la passion. Bérénice engage Antiochus à faire de même. Son héroïsme consiste en un sacrifice servant d'exemple universel et en une grandeur dont le spectateur retient la force pathétique. [...]
[...] Imprégné de tristesse majestueuse le dénouement est à la fois rituel de sacrifice et exaltation d'un amour désintéressé. Toutefois l'issue non sanglante livre les héros à la solitude, qui peut-être un destin tout aussi terrible que la mort. [...]
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