(...) Ce sonnet est structuré par un jeu d'oppositions :
- d'abord lexicales
Ainsi, dans les quatrains, les expressions sont mélioratives et proposent une image heureuse et euphorique du poète. À l'opposé, dans les tercets, cette image fait état d'une humeur instable et dissonante. On relève ainsi deux tableaux antithétiques où :
. "ce coeur vainqueur" (vers 2), "honnête désir de l'immortalité" (vers 3) et ces doux plaisirs (vers 5), expressions toutes valorisantes et soulignant une inspiration heureuse s'opposent à
. "maîtresse de moi" (vers 9), "maître de soi" (vers 10) et "mille maux et regrets qui m'ennuient" (vers 11), expressions qui au contraire suggèrent l'absence d'inspiration et l'inspiration perdue.
- mais aussi temporelles
Les quatrains sont dominés par le présent d'énonciation ("est", vers 1 et 2 ; "sont", vers 5) qui souligne l'interrogation présente et douloureuse sur le passé.
Dans les tercets, le passé composé ("je n'ai plus", vers 12 ; "je ne l'ai plus", vers 13) met l'accent sur le lien entre le passé et le présent. Temps de l'accompli, il établit une sorte de comparaison entre le passé et la situation présente pour mieux mettre en évidence que ces deux époques n'ont plus aucun lien.
La totalité du poème permet cependant de retrouver l'imparfait ("me donnaient", vers 6 ; "menais", vers 8 ; "soulait", vers 10), temps qui peint le tableau du bonheur d'antan. Mais cette période est révolue.
Au total, deux périodes sont ainsi en présence dans le sonnet : un présent douloureux et un passé heureux. Au regret de l'inspiration passée (quatrains) répond le découragement face à l'absence d'inspiration (tercets).
(...) Ces oppositions sont soulignées par un jeu de questions / réponses qui structure également le poème. Ainsi, dans les quatrains, le poète se demande ce qu'est devenue son inspiration d'antan, tandis que les tercets sont les réponses désabusées à ces questions :
- la question "Où est ce coeur vainqueur de toute adversité", / Cet "honnête désir de l'immortalité", / "Et cette honnête flamme au peuple non commune ?" (vers 2 à 4) trouve sa réponse aux vers 10 et 11 ("Et mon coeur, qui soulait être maître de soi", / "Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient") (...)
[...] Le poète, en un travail précis d'oppositions et de symétries, construit, de manière élaborée, l'expression de sa douleur et de sa peine. II- L'image de l'inspiration Le regret de l'inspiration perdue Le doute face à ses capacités de création envahit le poète. Ainsi, la multiplication des interrogations dans les quatrains souligne son découragement devant la fuite de l'inspiration. L'adverbe déploratif qui ouvre le poème contraction de Hélas dit le désarroi et l'annonce comme motif central du texte : Pourquoi cette plainte ? parce que les Muses ne sont plus clémentes envers le poète et que l'inspiration l'a fui. [...]
[...] T E X T E Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ? Où est ce cœur vainqueur de toute adversité, Cet honnête désir de l'immortalité, Et cette honnête flamme au peuple non commune ? 5 Où sont ces doux plaisirs qu'au soir sous la nuit brune Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté Dessus le vert tapis d'un rivage écarté Je les menais danser aux rayons de la Lune ? Maintenant la Fortune est maîtresse de moi Et mon cœur, qui soulait être maître de soi, Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient. [...]
[...] Mais cette période est révolue. Au total, deux périodes sont ainsi en présence dans le sonnet : un présent douloureux et un passé heureux. Au regret de l'inspiration passée (quatrains) répond le découragement face à l'absence d'inspiration (tercets). Un jeu de questions / réponses Ces oppositions sont soulignées par un jeu de questions / réponses qui structure également le poème. Ainsi, dans les quatrains, le poète se demande ce qu'est devenue son inspiration d'antan, tandis que les tercets sont les réponses désabusées à ces questions : - la question Où est ce cœur vainqueur de toute adversité, / Cet honnête désir de l'immortalité, / Et cette honnête flamme au peuple non commune ? [...]
[...] Le lecteur entre progressivement dans le cœur du poète qui se livre : - ainsi, au début du sonnet, peu de marques de la première personne sont présentes. L'utilisation récurrente dans le premier quatrain du démonstratif ce à valeur emphatique montre bien que c'est une peinture générale des attributs caractéristiques d'un bon poète qui est présentée - puis, peu à peu, le je envahit l'espace du sonnet et dit le resserrement du poème sur l'expression de sentiments intimes extrêmement personnels. Le poète exprime ses douleurs, ses doutes et ses appréhensions. [...]
[...] Pour être un grand poète, l'auteur doit être inspiré, c'est-à-dire avoir reçu des dieux un don, un cadeau qui lui offre la puissance poétique. Les Muses, personnages principaux des seconds quatrain et tercet, sont les figures féminines qui portent et offrent le souffle poétique. Filles de Zeus et sœurs d'Apollon, elles sont les inspiratrices du poète. Du Bellay reprend cette ascendance mythologique en peignant le cadre dans lequel évoluent les Muses : créatures de la nuit, elles dansent dans un contexte naturel isolé et nocturne (soir, vers 5 ; la nuit brune, vers 5 ; le vert tapis d'un rivage écarté, vers 7 ; aux rayons de la Lune, vers cadre qui rappelle le mont olympien sur lequel elles vivaient. [...]
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