Le Mariage de Figaro, écrit par Beaumarchais, est la pièce centrale d'un cycle de trois oeuvres, Le Barbier de Séville et La Mère coupable encadrant celle que nous nous proposons d'étudier. Présentée pour la première fois en 1784 à la Comédie-Française, cette pièce de théâtre se déroule trois ans après la première, le jour du mariage de Figaro avec Suzanne, la camériste de Rosine, épouse du maître de Figaro. Le titre de cette pièce est trompeur : il ne s'agit pas tant du mariage de Figaro, sans cesse reporté, que d'une superposition de mariages qui se réalisent, se déchirent, se rêvent ou sont déçus. L'extrait qui nous intéresse, justement, montre Figaro aux prises avec son maître car le seigneur désire non pas épouser mais posséder celle à laquelle le valet s'apprête à s'unir. En valet dégourdi, Figaro se propose, dès la seconde scène, d'obtenir la dot d'Almaviva pour rembourser Marceline, sans avoir à lui céder celle qu'il veut épouser bien vite, tout en trouvant un stratagème pour humilier le Comte (...)
[...] Le dialogue n'est pas révélateur mais voile au contraire les véritables prétentions des orateurs. Les questions ne trouvent pas de réponse et Figaro répond à brûle- pourpoint, tenant tête à la figure incontestée d'autorité. Figaro, lui, espère obtenir la dot promise à Suzanne, sans avoir à livrer sa femme, mais en profitant de cet argent pour rembourser Marceline et ainsi empêcher le mariage promis. A la scène 15, d'ailleurs, le procès est prétexte à souligner une nouvelle fois la puissance et la duplicité du langage. [...]
[...] Figaro a écrit qu'il acceptait, les avis divergent, d'épouser Marceline et / ou à payer la somme empruntée. Dans l'extrait qui nous intéresse, la parole est comparable à un fil, celui de la pensée, mais aussi du piège, arachnéen, tendu par le locuteur. Figaro, épiant la fin du monologue de son maître, réagit à l'exposition du plan d'Almaviva par des apartés audibles seulement par le spectateur. Il ne comprend cependant que tardivement les vraies intentions du Comte. Il associe effectivement la vieille à Marceline mais aussi à Bazile, puisqu'il est celui qui espère l'épouser. [...]
[...] La réponse du Comte Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ? 112) et non pas qu'est-ce qui trahit à son tour les ses véritables intentions. L'humour marque toute la pièce mais son étude ne doit pas mettre de côté les expériences langagières, qui font toute la saveur de l'extrait. Dès lors qu'il est joué sur scène, il peut aussi être complété par des indications scéniques, étonnamment nombreuses ici, si l'on songe à la primauté du dialogue dans un duel verbal. [...]
[...] Avec Le Mariage de Figaro, Beaumarchais pousse à de nombreuses reprises le langage dans ses retranchements puisque les dialogues sont en vérité tissage de mensonges ou quiproquos. Associer le même mot à un geste, n'est-ce pas aussi interroger la pratique théâtrale, qui est elle-même une vaste illusion ? On retrouve d'ailleurs cette injure, toujours sur le mode comique, alors que Figaro reconnaît son épouse, à la scène 8 de l'Acte V. Remarquons pourtant que la réintroduction de ce juron, en fin de pièce, n'a plus le même sens. [...]
[...] Figaro, en effet, n'analyse pas dans ses apartés les remarques du Comte, mais fait preuve d'une rare spontanéité. Le Comte use systématiquement de temps présents, ou passés, alors que Figaro utilise le présent non pas pour sa dimension informative, mais pour son caractère général et donc, aussi, tourné vers l'avenir. Si Suzanne unit les deux hommes, le dialogue révèle des rivalités bien réelles. Les quelques pas effectués par Almaviva soulignent tout aussi bien l'enquête menée par les deux personnages et sa lente progression au fil de l'extrait, que l'opposition bipartite, soulignée par des jeux d'échos. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture