L'histoire racontée est celle d'un homme, Minaya, jeune étudiant qui en 1969 découvre le manuscrit de Jacinto Solana, poète abattu en 1947 par la garde civile. Désireux d'enquêter sur le poète, il retrouve chez son oncle Manuel, à Magina, petite ville des bords du Guadalquivir, les acteurs et les survivants de la guerre civile espagnole. Minaya remonte le temps et fait ressurgit le passé que l'on croyait à jamais enfoui. Dans le labyrinthe de la maison familiale, l'histoire collective n'est en réalité que le décor de troublantes destinées individuelles : une histoire d'amour et d'amitiés entremêlées dans la guerre civile ; une quête littéraire qui se transforme en une véritable enquête policière. Le livre est hanté par le poète Jacinto Solana abattu juste avant d'avoir terminer son livre intitulé Beatus Ille, mais qui est vraiment Jacinto Solana? Est-il celui que l'on croit ? Mariana Rios, la femme de l'oncle Manuel, hante également tout le livre. Mais qui, le 22 mai 1937, au lendemain de ses noces a tué d'une balle Mariana ? Inès, autre femme de ce livre, devient vite la maîtresse de Minaya et va jouer un rôle important dans sa vie et par conséquent dans l'enquête qu'il mène. Mais qui est Inès, cette jeune fille de dix huit ans ? Quel rôle joue–t-elle dans l'œuvre ? L'enquête que mène Minaya le conduit à remonter le passé et à trouver les réponses à cette série de questions. Voila donc les éléments en place. Le chapitre 2 de la troisième partie de Beatus Ille, premier roman d'Antonio Munoz Molina, répond en partie à ces interrogations. Le lecteur découvre ici avec Minaya la vérité sur Jacinto Solana. Le passage du chapitre 2 de la troisième partie marque une évolution : on passe de la biographie mythique de Solana à sa biographie réelle. Mais cet extrait est en fait une véritable réflexion sur l'écrivain. Ce passage décline tous les enjeux éthiques et esthétiques de la fiction.
[...] Mais au terme de cet extrait, ce qui est exprimé, c'est la nature problématique du modèle de l'écrivain. L'illusion est soumise à l'interrogation et pose la question de savoir ce qu'est une œuvre et par de la même façon ce qu'est un auteur. Cette conception ludique de la littérature qui remet en cause les procédés de cohérence du récit traditionnel, Antonio Munoz Molina semble l'avoir empruntée au grand écrivain argentin, Jorge Luis Borges. [...]
[...] La lecture doit être source de plaisir à la beauté d'un texte, à la beauté intacte d'une Aphrodite qui est restée sous terre pendant deux mille ans Au terme de notre étude, il apparaît clairement que Beatus Ille est surtout un roman sur le roman, une œuvre qui réfléchit sur la figure de l'écrivain. Antonio Munoz Molina tente de mettre en évidence la fiction dans sa fiction. Cet extrait dévoile la complexité de l'œuvre et ce jeu sur l'écrivain. On passe de l'imaginaire littéraire à la réalité plus sordide par la fiction. Dans ce passage, le lecteur avec Minaya découvre une certaine réalité. C'est au terme de 300 pages que le lecteur se rend compte qu'il a été trompé. [...]
[...] L'enquête que mène Minaya le conduit à remonter le passé et à trouver les réponses à cette série de questions. Voilà donc les éléments en place. Le chapitre 2 de la troisième partie de Beatus Ille, premier roman d'Antonio Munoz Molina, répond en partie à ces interrogations. Le lecteur découvre ici avec Minaya la vérité sur Jacinto Solana. Le passage du chapitre 2 de la troisième partie marque une évolution : on passe de la biographie mythique de Solana à sa biographie réelle. [...]
[...] Le Beatus Ille qu'il invente avec le narrateur n'est qu'une simple coïncidence. L'interprétation n'est possible que par le lecteur : les œuvres littéraires en partie existent pour être lues. Il existe une relation évidente entre le lecteur et l'œuvre. L'œuvre littéraire ne peut être que lue : l'interprétation ne peut avoir lieu qu'au moment où se rencontrent le texte et le lecteur. Alors que cette perspective centrée sur le lecteur semble évidente, le narrateur affirme qu' un livre existe même si personne ne le lit [que] la perfection d'une statue ou d'un tableau demeure quand les lumières sont éteintes et qu'il ne reste plus personne dans le musée, et un torse décapité restitue au monde a beauté intacte d'une Aphrodite qui est restée sous terre pendant deux mille ans En fait, on peut considérer l'œuvre littéraire sous deux aspects : l'aspect artistique d'une part et, d'autre part, l'aspect esthétique. [...]
[...] Au regard de l'héroïsation de Solana, il y au chapitre 2 de la troisième partie un miroir inversé du chapitre 14 de la deuxième partie. La souffrance de l'écrivain est présentée bien plus comme une impuissance face à l'écriture qu'un moyen pour y arriver. Ce dérèglement de tous les sens n'en est pas vraiment un : l'impossibilité d'écrire n'est pas la maladresse, ni la lenteur, ni les heures perdues à chercher un seul mot qui est peut être caché sous les autres, sous cette figure blanche dans le papier, sous un autre mot qui supplante ou le nie et qu'il est nécessaire d'effacer pour écrire à sa place le vrai mot, le mot nécessaire et unique Solana définit ainsi son travail non pas comme une recherche constante mais bien comme une interminable paralysie qui ressemble à celle du blessé qui après une longue période d'immobilité veut recommencer à se servir de ses mains ou de ses jambes, et qui n'arrive pas à coordonner ses pas ni à rapprocher ses doigts avec la précision nécessaire pour tenir un crayon ou porter une cuillère à sa bouche Il se livrait suicide de son œuvre. [...]
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