Dans ce poème, les huit quatrains d'alexandrins sont liés grammaticalement, prenant la forme d'un récit cohérent qui semble, à première vue, livrer une scène de vie ordinaire et fréquente d'un quartier de Paris, ce que l'adverbe "Souvent" (vers 1) suggère fortement.
a- Une rue citadine : vers 1 à 4
Le premier quatrain amène le lecteur dans une scène de rue citadine :
- les détails sont nombreux : "un vieux faubourg" (vers 3), plutôt sale ("fangeux",
vers 3) et mal éclairé par un lampadaire à gaz ("un réverbère", vers 1). On remarquera que le terme "faubourg" est ici utilisé de façon péjorative pour faire allusion à la périphérie de Paris, la ville étant désignée explicitement au vers 16.
- l'ambiance est angoissante : c'est un "labyrinthe" (vers 3) où le monde "grouille
en ferments orageux" (vers 4) et se plaint. De plus, le vent y souffle, "bat[tant] la flamme et tourment[ant] le verre" (vers 2).
b- Les personnages : vers 5 à 20
Pénétré dans ce faubourg, le lecteur est invité par Baudelaire ("On voit", vers 5) à découvrir les personnages.
- Le chiffonnier
Personnage principal, il impose sa présence par de nombreux verbes d'action : il "vient, hochant la tête" (vers 5), "Buttant, et se cognant" (vers 6), "Épanche tout son coeur" (vers 8), "Il prête des serments, dicte des lois sublimes, / Terrasse les méchants, relève les victimes" (vers 9-10)... Sa richesse se manifeste par de "glorieux projets" (vers 8) et il semble être indifférent à ceux qui l'entourent ("Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets", vers 7).
Il apparaît également comparé à un poète ("comme un poète", vers 6) qui est donc insensible à ses semblables (ainsi que nous venons de l'évoquer). Cependant, alors qu'aucune indication n'est donnée sur sa réelle attitude, laissant libre cours à l'imagination du lecteur dans le deuxième quatrain, le troisième va lui attribuer un rôle plus difficile puisque, saoul (vers 6), il va devenir orateur, prononçant "serments et lois sublimes" (vers 9) et semblant dès lors détenir le pouvoir de faire la justice (...)
[...] Le Vin des Chiffonniers est le CVème poème du recueil, le deuxième du cours chapitre thématique Le vin, qui en comporte cinq. Conforme à la logique d'évasion du poète, le vin représente pour les pauvres, qu'ils soient d'honnêtes gens (L'Âme du Vin, CIV), des assassins (Le Vin de l'Assassin, CVI), des chiffonniers (comme dans ce poème) ou tout autre marginal de la vie, la seule possibilité de vivre pleinement et d'échapper, un temps au moins, à la misère. Ainsi, à travers ce qui semble n'être qu'une simple scène de rue parisienne, Baudelaire met en évidence le symbolisme du vin afin de livrer la condition misérable du poète maudit. [...]
[...] ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] Cette foule semble boire les paroles du chiffonnier, atteinte par l'ivresse. Le vin paraît en effet détenir un certain pouvoir sur ces gens. II- Les symboles du poème Le symbolisme du vin Une ivresse contagieuse Le groupe ternaire du dernier alexandrin du cinquième quatrain (Les bannières, les fleurs et les arcs triomphaux) ouvre sur deux propositions exclamatives au présent descriptif (Se dressent devant eux, solennelle magie vers 21 et Ils apportent la gloire au peuple ivre d'amour vers 24) qui éclairent le drame jusqu'alors décrit d'un éclat triomphal. [...]
[...] Sur le ton du discours rhétorique (Oui, ces gens, vers le poème livre alors une analyse dramatisée de ces Parisiens malheureux qui sont harcelés (vers Moulus et tourmentés (vers 14) et Éreintés (vers 15) par les conditions de vie et les types de souffrances tant physiques que mentales qu'ils doivent affronter, causées par les chagrins de ménage (vers le travail (vers 14) ou encore l'âge (vers 14). La peine de cette foule semble être un combat, suggéré par la métaphore filée de la guerre. En effet, leurs peines deviennent batailles (vers d'où ils reviennent blanchis (vers c'est-à-dire fous. De plus, les termes tels que compagnons (vers 18) et vieux drapeaux (vers 19) suggèrent une certaine solidarité entre les hommes dans ce Vomissement confus de l'énorme Paris (vers 16). [...]
[...] Si la première révèle une scène ordinaire de la vie parisienne, la seconde devient symbolique, amenant à percevoir le pouvoir que Baudelaire attribue au vin. En effet, en invitant à l'évasion, ce breuvage est capable de libérer l'homme de l'ennui de la vie et de la dure réalité terrestre. Cependant, la poésie ne suffit pas à fuir le Spleen, faisant du chiffonnier comme de l'albatros (L'Albatros, et donc du poète, des exclus et des maudits de la société. [...]
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